Objectif-îles; les News 8 - juillet 2002
Vos hôtes
N°8

juillet 2002


Dimanche 30 juin 2002

Au sympathique port de la Darse à Villefranche s/mer, c’est le jour d’embarquement de Thierry Monnier, 43 ans, jeune industriel d’Annemasse et de son fils Pierre, 11 ans. La famille les ont accompagnés à bord puis est repartie. L’objectif de cette semaine de croisière est la côte Ouest de la Corse, jusqu’à Ajaccio. Thierry a une petite expérience de la mer, alors que pour Pierre, c’est la découverte. Les conditions météo étant favorable, ils décident de traverser dès le soir sur Calvi, pour passer la nuit en mer. À 18h15, après avoir fait le plein de diesel, c’est le départ, avec une petite halte au mouillage devant la plage de Cap Ferrat pour une baignade. Après un excellent repas, c’est la traversée avec un vent de SW de force 2, puis 3. juste de quoi naviguer à la voile. La famille Gauthey quitte pour bien longtemps cette belle Côte d’Azur où elle a séjourné tout le mois de juin.

Lundi 1er juillet 2002

Chacun fait son quart, Vivianne accompagnant Thierry de 01h00 à 03h00 et Sandra de 03h00 à 5h30. le vent tombe au lever du soleil. Une belle traversée. À 11h00, « Alizé » arrive dans la baie de Calvi et mouille à une des nombreuses bouées disposées pour les visiteurs. Ce n’est pas encore la haute saison ici, pas de problèmes pour trouver de la place pour le bateau, ou sur les nombreuses terrasses des cafés. La ville est toujours aussi belle que le souvenir que les Gauthey ont gardé de leur premier passage en Corse en 1995. Animée, pleine de boutiques, les couleurs ocre des maisons villageoises et la Citadelle qui domine la baie ont un charme bien particulier, comme leurs habitants. À bord, Babou s’accroche à son nouveau copain et lui fait découvrir son monde en vrai commandant. Le soir, le barbecue à gaz est mis une nouvelle fois à contribution, pour le plaisir de tous.

Mardi 2 juillet 2002

C’est reparti, la météo annonce un coup de vent de SW de force 7 à 8 dès 14h00 jusqu’à jeudi matin. Merci le mistral !!!! à 13h20, avec un petit vent W de force 2 « Alizé » quitte Calvi pour se rendre à l’Île Rousse, un peu plus de 15 miles à l’Est. Pas de vent annoncé et c’est l’occasion de découvrir un magnifique mouillage de jour, juste dans la petite crique sauvage entre les îlots de l’Île Rousse. En fin d’après-midi, déplacement pour venir mouiller dans la baie, près de la plage, par 4 mètres de fond, devant la ville, à l’abri des vents d’Ouest. L’Île Rousse est un petit Calvi, moins bien arrangé. Le soir, de mieux en mieux, Vivianne régale l’équipage avec de succulents filets mignons. Puis c’est l’initiation de Thierry et Pierre au jeu de cartes du « Barbu ». la chance sourit aux innocents et c’est Pierre, du haut de ses onze ans qui bat tout le monde.

Mercredi 3 juillet 2002

L’annonce du coup de vent est maintenant prévue pour l’après-midi. Le retour plein Ouest sur la « Girolata », le seul mouillage le long de la côte Ouest après Calvi, est fortement compromis. Malgré tout, pour le plaisir, à 10h30, départ en mer pour éventuellement rejoindre Calvi au pré. Le vent W est déjà de 25 nœuds et la mer bien formée. Pierre et Babou s’éclatent en étant trempés par les embruns qui giclent jusque dans le cockpit. À 11h30, Jacques prend la décision de retourner à l’Île Rousse. Le catamaran est incapable de faire du cap dans ces conditions. Vivianne propose de s’amarrer au petit port, bien abrité des vents d’Ouest, de manière à faire de l’eau. Un amarrage cul à quai avec l’ancre à l’avant. À 17h00, le vent est monté à 35 nœuds et la mer est couverte d’écumes. Thierry et Pierre apprécient. Alors que Thierry et Pierre ont été réserver des places au restaurant, une dispute éclate entre Vivianne et Jacques à propos du raccordement 220V avec le convertisseur. Vu la relative puissance du convertisseur (600 watts) et le manque de disjoncteur automatique sur le circuit, dès qu’un disjoncteur tel que le chauffe eau ou le chargeur de batteries est branché, c’est le fusible du circuit qui saute. C’est le 2ème en deux jours, alors que pour la Xème fois Jacques explique le fonctionnement de ces circuits en restant le plus calme possible. Vivianne n’écoute même pas et met la faute sur les autres. Après 2 ou 3 tentatives, Jacques explose et c’est la grosse dispute avec nouvelles menaces de retour anticipé. Finalement, Jacques se rend seul au restaurant, bonjour l’ambiance. Thierry a l’air de comprendre les problèmes du couple, alors que Babou ne supporte plus de les entendre crier. Il fait de même et se fait brancher. Alors pourquoi papa et maman peuvent-ils crier l’un contre l’autre. Pourtant cela allait bien mieux depuis quelque temps. Tout est à refaire.

Jeudi 4 juillet

Bien à l’abri, les amarres grincent. Toute la nuit, le vent souffle avec des pointes à 40 nœuds. Fin du coup de Mistral annoncé pour la nuit prochaine. La journée se passe tranquillement en visitant le village et en faisant quelques achats. Jacques va prendre des photos de la mer déchaînée autour des îlots de l’Île Rousse. La spontanéité des enfants est phénoménale. Sur le ponton, Babou joue aux bandits avec deux enfants un peu plus âgés qui sont sur le bateau moteur voisin. Chacun avec un fusil, c’est la guerre joyeuse, à celui qui mourra le plus de fois. Les propriétaires du yacht sont une famille Hollandaise, dont le mari, certainement plus jeune que Jacques, a perdu son père il y a 3 ans et a pris une retraite anticipée depuis un an. Ils ont vendu leurs biens pour venir s’établir à Mandelieu, sur la Côte d’Azur, loin du temps maussade des Pays-Bas. En soirée, Vivianne fait des crêpes dont elle a le secret et qui régale les enfants. Babou et Pierre s’entendent super bien, grâce, disons-le, au calme de Pierre face à l’énergie du junior.

Vendredi 5 juillet

Finie la tempête, il fait beau et la mer est calme lors du départ à 09h15. Mais dès le passage de Calvi pour descendre au Sud le long de la côte, la houle rappelle que le vent a sévi ces jours derniers. Ça tape, avec un petit vent de SW 3 à 4 en plein dans le nez. À 13h30, le temps de se baigner et de manger, « Alizé » mouille dans la petite calanque d’Elbo. Sauvage, magnifique, faisant partie du parc national Corse, il est interdit d’y rester la nuit. Une heure plus tard, nouveau départ pour La Girolata. Malheureusement, le passage à terre entre la côte et l’île de Gargallo n’est pas praticable en raison de la houle. Sandra boude dans son coin. Elle n’a pas apprécié que Jacques et Vivianne lui fassent des remarques sur son éducation et la manière qu’elle a de renifler à table ou ailleurs, lorsqu’elle sent une odeur qui ne lui revient pas. À 16h00, arrivée dans la jolie baie de La Girolata, relativement bien abritée des vents d’Ouest. Un des avantages du catamaran, 1,10 mètres de tirant d’eau, s’exprime ici puisqu’après un premier repérage, Jacques décide de mouiller tout au fond de la crique, derrière les bateaux, par 1,20 mètres de fond indiqué par le sondeur. Une vérification visuelle avec palmes et masque montre qu’effectivement, il reste environ 30 à 50 cm sous les quilles. Même si le vent tourne cette nuit, ce qui est fréquemment le cas ici, cette hauteur devrait être plus ou moins constante.

Samedi 6 juillet

La nuit s’est bien passée. Thierry, qui dort avec son fils Pierre, apprécie à fond l’installation de lecteur CD dans la cabine et s’éclate avec Johnny Hallyday. Il se régale aussi en se réveillant en pleine nuit pour aller nager tout nu avec les poissons. Départ à 09h45 au moteur. Le ciel est voilé. Ceci n’empêche pas d’admirer la beauté des calanques de Piana, dans le golfe de Porto, surtout la dernière crique avant le Cap Rossu. Plein Sud, direction les Sanguinaires, petite chaîne d’îlots qui annoncent l’entrée dans le golfe d’Ajaccio. Radio Monaco annonce un nouveau coup de vent sur la Côte d’Azur et le Nord de la Corse, en principe pas de problèmes pour Ajaccio et le Sud. Après le passage des Sanguinaires, « Alizé » mouille devant la plage de Porticcio, en face d’Ajaccio, il pleut légèrement. Sandra est toujours à côté de ses pompes. Impossible de lui demander quelque service que ce soit. Vivianne lui demande si elle veut rentrer en France en ferry depuis Ajaccio. Elle ne répond pas à la proposition. Qu’est-ce qu’elle a ? la déprime, les disputes, les remarques à son sujet. Il faut faire quelque chose….

Dimanche 7 juillet 2002

Retour du beau. À 11h00, amarrage en 2 temps au Port Tino Rossi à Ajaccio. La place attribuée au quai d’honneur, valable pour les grandes unités n’est pas supportable pour un bateau comme « Alizé » avec des jupes arrière basses. Impossible de mettre pied-à-terre vu la hauteur du quai, qui est particulièrement sale. La demande de changement est acceptée par le staff de la Marina et le catamaran se retrouve entre 2 catways, au bout d’un ponton. Impossible de faire mieux. Ce sont les gros nettoyages. Grâce au produit miracle de Philippe Morisse, rencontré à Hendaye, « Alizé » redevient blanc comme neuf. Thierry est d’une aide précieuse dans ces tâches. Cette semaine aura vraiment été très positive avec des clients comme lui et Pierre. Sandra, qui promène Babou en ville, continue à être dans les nuages. Jacques pense que cela suffit et sous prétexte de lui demander de l’accompagner à la capitainerie, lui demande vraiment si elle veut partir. Afin d’aider chacun à trouver une juste solution, Jacques propose qu’elle établisse une liste des points positifs et négatifs de sa présence à bord et de ce qu’elle apprécie ou non de la famille Gauthey. Jacques et Vivianne feront de même afin de pouvoir faire calmement le point de la situation. L’après-midi est marqué par une formidable rencontre avec un couple de Genevois, Pierre et Christiane Haessig, accompagné de leur fils Olivier, âgé de 11 ans. Ils sont partis pour 7 mois sabbatiques en Méditerranée, avec une famille d’amis dans un premier temps. Pierre travaille comme spécialiste de télécommunication à la Croix-Rouge et maîtrise particulièrement les systèmes de communication Standard C à bord de son bateau. Il propose de venir à bord d’ « Alizé » pour configurer le PC afin de recevoir les mails « EGC » gratuits annonçant les messages sécurité et météo des zones dans lesquelles se trouve un bateau équipé du standard C. Aussitôt dit aussitôt fait, ...mais cela ne fonctionne pas !!! Après un excellent repas dans un restaurant situé dans les étroites ruelles de la vieille ville, près du port, Babou se régale de l’ambiance de fête des quais et de tous les carrousels qu’il a l’occasion de tester.

Lundi 8 juillet 2002

Thierry et Pierre Monnier quittent le catamaran dans la matinée après avoir écrit de bien jolies choses dans le livre d’or. Merci pour votre compagnie. Un miracle se produit lorsque Jean-Claude Chardon, responsable de la pose de toute l’électronique du bord, téléphone pour transmettre les coordonnées d’un collègue domicilié à Calvi et qui pourrait intervenir sur le standard C aujourd’hui. Rendez-vous est pris pour midi, à Ajaccio. Un 2ème miracle se réalise lorsque les représentants des moteurs Yanmar téléphonent pour annoncer leur venue afin d’examiner les raisons des sifflements d’un sail-drive (pièce de transmission moteur-hélice) à certains régimes. En attendant ces messieurs à bord, Jacques et Babou dans sa poussette traversent tout Ajaccio à la recherche d’une souris informatique pour le Mac, celle du bord ayant rendu l’âme. Sans succès, hélas. C’est vrai que Babou se régalait pratiquement chaque jour en découvrant les jeux et exercices des CD-Rom pour enfants comme Lapin Malin, Adiboudchou ou Arc-en-Ciel. Il faudra attendre l’Italie. Dans l’après-midi, le standard C est configuré pour les messages EGC météo et fonctionne. Le sail-drive Yanmar tribord est démonté et en principe en ordre. Un contact avec François Picot, responsable SAV de Lagoon, confirme que les éléments défectueux comme les WC tribord et les hublots intérieurs des cabines arrière seront remis en état à Split, en Croatie, chez le représentant Lagoon. Devant ces démarches enfin constructives, Jacques transmet par mail à la banque, l’ordre de paiement de l’avant dernier acompte du bateau. Enfin à 15h00, c’est l’arrivée de Pierre-Alain et Blandine Veuthey, les amis suisses de longue date, habitants à Jouxtens près de Lausanne, qui rejoignent la famille Gauthey pour 15 jours de croisière, une première pour eux !!! il en faut du courage. Et cela commence bien par une soirée entre adultes, au restaurant, puis un concert de ses merveilleux chanteurs corses, devant les terrasses donnant sur les quais.

Mardi 9 juillet 2002

10h45, départ d’Ajaccio. Le temps est à l’orage, il y a des éclairs et une petite pluie fine commence à tomber. En 5 minutes, le bateau, qui était tout propre, est couvert d’une couche de sable jaune déposé par la pluie, quelle misère !! Les conditions sont totalement instables. Le vent tourne de 360°. Une fois fort, une fois rien, une fois le génois, une fois les moteurs. 1er repas en mer pour Pierre-Alain et Blandine. À 14h00, mouillage par 15 mètres de fond dans la grande baie de Campo Moro, dans le golfe de Propriano. D’un coup, il fait chaud et le soleil revient. Baignade pour tout le monde, sauf pour Blandine qui ne sait pas nager. Après la sieste, virée à terre avec l’annexe. La plage de sable est agréable et Babou se régale en faisant des châteaux de sable avec papa, puis avec des nouveaux copains de son âge, quelle sociabilité. À tel point que lorsque il lui est proposé d’aller manger une glace sur la terrasse du restaurant qui domine la plage, il préfère rester avec ses copains dans l’eau, qui a 18°C, en venant vérifier de temps en temps que ses parents sont toujours bien là. Retour au bateau, en amenant bien entendu encore plus de sable de la plage. Pauvre « Alizé » !!

Mercredi 10 juillet 2002

Il fait grand beau pour une splendide navigation jusqu’à Bonifacio. Un vent d’Ouest 3 à 4, c’est parfait pour le catamaran. La longue calanque de Bonifacio est toujours aussi belle que lors de la venue précédente. Un charme fou avec son vieux village perché sur le haut des falaises. Après avoir fait le plein de diesel, « Alizé », suivant les indications des placeurs, s’amarre à l’extrémité de la panne « D » de la marina, partiellement à couple avec un catamaran Athéna. Pas content, le propriétaire ( ?) allemand ( ?) râle, agressif et méchant, alors qu’il n’a aucune raison de s’inquiéter. Il finira par déplacer d’un demi-mètre son bateau de manière que l’on ne puisse plus se mettre à couple avec lui. Quelle fraternité !! après avoir bien amarré le bateau, une visite du site s’impose. Pour la joie des petits, mais des grands aussi, c’est en petit train que tout l’équipage découvre les remparts de la ville où venaient déjà se réfugier les pirates de l’époque. Ruelles pavées, petites boutiques, terrasses, mais aussi coiffeur et c’est ainsi que Babou se fait faire une coupe de vrai petit garçon.

Jeudi 11 juillet 2002

Les bouches de Bonifacio sont réputées pour leurs conditions de vent plutôt musclées, alors autant être prudent. 1 ris dans la grand voile avec le génois, au grand largue, avec un vent d’Ouest de 15 à 20 nœuds, « Alizé » se régale en avançant avec des pointes de plus de 10 nœuds. En laissant la pyramide de la Sémillante et les Îles Lavezzi à bâbord, le catamaran se faufile entre les Îles Razzoli et celles de la Maddalena et de Caprera pour venir mouiller dans la baie du port Garibaldi, juste en face du Club Med. Par 5 mètres de fond, les eaux sont émeraude, magnifique. Une visite du Club Med permet de se rendre compte du bonheur d’être sur un bateau. Après un super coucher de soleil, seul bateau au mouillage, Vivianne prépare un repas gastronomique suivi de bananes flambées par Pierre-Alain. C’est la fête à bord, tout le monde danse et Babou régale l’assemblée d’un concert en chantant à capela la chanson de Garou « Sous le vent » en s’aidant de son « bibi » comme un micro, le paradis !!

Vendredi 12 juillet 2002

06h00, départ pour la grande traversée sur Naples. 230 miles pour une arrivée prévue demain dans l’après-midi. Il fait grand beau, sans vent. À 07h15 une des deux lignes de pêche à la traîne laisse espérer un repas avec du poisson frais. Déception, ce n’est qu’un de ces nombreux plastiques qui flottent partout. 18h00, pas de vent, pas de poissons, pas de dauphins. Jacques fait son quart jusqu’à minuit et demi sans rien avoir à signaler et va réveiller Vivianne et Pierre-Alain. Sandra a fait sa liste des points positifs et négatifs de son séjour à bord, Jacques aussi.

Samedi 13 juillet 2002

Bon anniversaire Pierre-Alain et bon quart !! à 04h00, « Alizé » longe l’Île di Ponza, à une distance de 4 miles. Curieusement, la vitesse s’est réduite à 6,5 – 6,7 nœuds, alors qu’elle était de 7,5 nœuds (à 2'500 tours) durant la nuit. La présence d’un courant contraire paraît être une explication. 11h00, passage le long de l’ìle d’Ischia, à l’époque résidence des empereurs romains dont il ne reste que quelques ruines, alors qu’aujourd’hui un urbanisme anarchique a envahi la moindre colline. Enfin, à 14h30, amarrage au port « Torre del Greco » au pied du Vésuve. Un ponton branlant, des pendilles pas plus grosses qu’un petit doigt, pas d’électricité, pas de capitainerie, une petite cabane pour payer la place. Une secrétaire fait un calcul savant sur une calculette pour annoncer un prix de 108 Euros pour une nuit dans le port. Jacques bondit et déclare qu’il ne paiera pas plus de 20 Euros, que c’est un scandale et que leur prix est plus cher qu’à St.Tropez. La demoiselle, très calme, ne demande qu’à négocier et téléphone au responsable du port. Finalement, avec le sourire, le prix sera fixé à 50 Euros.. Voilà un nouvel état d’esprit auquel il faudra s’habituer. D’ailleurs, Vivianne écrit dans le journal de bord ;
« Quelle surprise…La Côte Napolitaine n’a rien de comparable avec celle de la Côte d’Azur avec ses constructions érigées un peu partout au flan de la montagne du Vésuve. Heureusement, que le volcan est là, il rehausse un peu cette baie. Le port n’est pas mieux non plus, sale, rien à voir avec les marinas où nous avons accosté. Avec Jacques, nous quittons le bateau pour aller en éclaireurs organiser la visite de Pompéi demain matin. Hé bien, nous avons l’impression de nous retrouver dans un autre temps. Où est passée l’Europe ? la ville est un vrai dépotoir, des ordures partout, des bâtiments complètement décrépis….La zone quoi !! À la recherche de transports pour se rendre à Pompéi, il s’avère que les taxis ne viennent même pas dans ce quartier. Les habitants sont obligés de cadenasser leurs voitures aussi pourries soient-elles. Heureusement, les gens sont d’une grande gentillesse, notamment le « Chef de gare », responsable des aiguillages des trains, qui nous propose de nous amener demain dans sa voiture à Pompéi, moyennant 75 Euros. Il est tellement content que nous acceptions qu’il nous propose de venir manger chez lui demain midi au retour de Pompéi Quel accueil, génial ».

Dimanche 14 août 2002

Hier soir, alors que Sandra et Babou étaient couchés, le sujet de conversation s’est développé autour de l’attitude de Sandra et de la suite à donner sur sa présence à bord. Un début de conversation que Sandra a entendu, le disant ce matin à Vivianne. Ça sent la fin …. À 09h30, le chef de gare attend impatiemment, c’est sa femme qui emmène l’équipage jusqu’à Pompéi 6 personnes + Babou dans une Polo, heureusement il n’y a qu’une quinzaine de kilomètres à parcourir. À l’entrée des ruines, c’est sous la conduite de Luigi, guide professionnel éminemment sympathique que commence la visite et le récit de cette incroyable histoire. Bâtie au VIIIème siècle avant J.-C, les Grecs s’implantent au VIème siècle avant J.-C. La ville est florissante, c’est un centre d’échanges commerciaux, avec un accès direct à la mer. Les italiques s’installent au IVème siècle avant J.-C puis les Romains au Iième siècle avant J-C. L’heure de gloire de Pompéi dure tout au long du 1er siècle après J-C. la ville a alors 38'000 habitants, la communauté a développé des lois que nous n’avons que réinventées. Riches commerçants, boutiques, grand marché, amphithéâtre, restaurants, résidences (la plus grande avait une surface de 3'500 m2), jardins, thermes, bordels, Parlement, écoles, épuration et circulations réglementées faisaient que la vie était très agréable à ce moment. L’espérance de vie était de plus de 50 ans, ce qui était important pour l’époque. En l’An 65, un tremblement de terre détruisit une partie de la ville qui fût reconstruite. Mais en l’An 79, le Vésuve, distant de 15 km, entra en éruption. En 2 heures, il y avait déjà 1 mètre de cendres de lave dans la ville, les habitants furent pétrifiés. L’éruption dura 3 jours, recouvrant Pompéi de 25 mètres de cendres. La mer recula de près de 2 km. Fin de l’histoire de Pompéi C’est seulement en 1700 que les Espagnols, implantés sur la Péninsule Italienne, commencent les fouilles. Elles vont durer 3 siècles et sont arrêtées aujourd’hui. Alors qu’il reste encore de grandes surfaces à découvrir. Mais l’entretien des ruines est une priorité. Merci Luigi pour cette magnifique visite. À 14h00, le chef de gare, toujours aussi jovial, nous ramène au port sous un orage d’une violence incroyable, qui a transformé les routes en rivières. Voilà une visite qui a coûté un maximum avec 50 Euros d’entrées, 100 Euros pour le guide et 75 Euros pour le chef de gare, mais cela en valait largement la peine.

À 15h00, après l’orage, départ pour Capri, distant de 16 miles. Un vent de 20-25 nœud se lève brusquement, de quoi prendre 2 ris dans la grand voile. Une heure plus tard, « Alizé » se retrouve avec la grand voile et le genaker par 10 nœuds de vent. Arrivée à Capri. Le relief de l’île est splendide et la ville, qui se situe en hauteur, est toute blanche, coincée entre deux sommets. Évidemment le port est comble. Impossible d’avoir une place. De même, il est impossible de se ravitailler en fuel. La station Est est occupée par un énorme yacht, la station Ouest, avec le vent d’Est ne permet pas de manœuvrer dans un couloir de 8 mètres, à travers les ferrys, les navettes et les barques de pêche. « Alizé » se retrouve au mouillage, hors du port, près de la digue Ouest, par 15 mètres de fond, pas mal de vent et une houle de travers. Pas terrible, mais toujours mieux qu’avec un monocoque !! L’équipage rejoint le port en annexe, en jouant les dépanneurs en remorquant 2 autres annexes en panne. Un vrai petit train, avec des allemands sympas, mais oui !! Capri est magnifique. Son funiculaire (suisse) permet d’accéder à la ville. Les falaises, les arbres, les maisons, les terrasses, les touristes et les Italiennes en font l’opposé de Naples, les prix aussi. (4,5 Euros la bière). Un contact avec la capitainerie confirme la possibilité de venir au ponton des ferrys demain juste pour prendre du fuel.

Le soir, pour fêter dignement l’anniversaire de Pierre-Alain, les adultes sortent entre eux, laissant Sandra et Babou seuls à bord. C’est l’occasion pour Babou de faire un gros caprice qui passera très vite devant la télévision et les DVD des dessins animés de Walt Disney. Super soirée guindée à Capri. Les 70 hôtels de l’île sont bondés de riches italiens ou d’italiens frimeurs, allez savoir. A travers les ruelles envahies par les touristes, c’est un étalage de boutiques de luxe où toutes les grandes marques sont représentées. Les restaurants ne sont pas en reste et Pierre-Alain fait un heureux choix avec le restaurant « Villa Verde » et son patron Franco si chaleureux. Un cadre enchanteur pour un excellent repas avec des prix très corrects (180 Euros pour 4, avec un très bon vin à 15 Euros). Ce séjour à Capri restera un super souvenir, mais quelle folie, ces ferrys, ces touristes, tous ces Japonais. À vous donner le vertige. Dieu que l’on est mieux sur le bateau.

Lundi 15 juillet 2002

Temps maussade, avec une grande houle. Une visite de marque au côté d’Alizé, le Phocéa, ce grand voilier chargé d’histoire est mouillé à quelques dizaines de mètres, magnifique. À 15h00, départ pour découvrir la côte Sud de l’île et ses grottes et falaises. Le mouillage est calme, quoique encombré. Une vraie bonne sieste avant la traversée sur les Îles Eoliennes et le Stromboli distant de 115 miles. « Alizé » lève l’ancre à 17h45 avec la grand voile, le genaker et le moteur, le beau est de retour avec un petit vent de SW de 7-10 nœuds. C’est le moment que choisi Sandra pour annoncer sa décision de rentrer. Tout de suite, Vivianne et Jacques multiplient les téléphones pour trouver rapidement un remplacement.

Mardi 16 juillet 2002

À 02h45, le vent se lève, 18 – 20 nœuds, toutes voiles dehors, au pré à 6 – 7 nœuds, ça tape dur entre les coques. Dans la nuit Blandine a peur. À 04h45, Jacques, équipé d’un harnais va prendre un ris en pied de mât, la mer s’est bien formée avec des creux de 1,5 à 2 mètres. Tout se calme avec le lever du soleil pour la plus grande satisfaction de Blandine qui voit grandir le volcan actif du Stromboli qui fume et crache devant le bateau. À 10h15, arrivée devant la plage de sable noir de San Vincento – Stromboli. Après deux essais infructueux de mouillage rendus difficile par la forme des fonds qui deviennent tout de suite important, Jacques propose de prendre une bouée pour être tranquille. Le comité d’accueil ne se fait pas attendre et demande 50 Euros pour une nuit, c’est dingue !! Jacques en propose 30, mais ici ça ne discute pas. Alors « Alizé » part mouiller plus au Nord-Est par 7 mètres de fond et 50 mètres de chaîne. qui racle contre les cailloux du fond. L’endroit est original, avec sa plage noire, ses pierres ponces, le petit village de San Vincento, ses étroites ruelles, ses quelques boutiques et sa place de l’église, magnifique. Mais ici, ce sont surtout les offres des guides pour l’escalade de nuit du volcan qui retiennent l’attention. La décision est prise de rester jusqu’au lendemain pour que Vivianne et Jacques puissent faire l’escalade, accompagnés de Sandra. Les Veuthey et Babou restant à bord. Avec sa finesse habituelle, Jacques prévient Sandra qu’il ne veut pas entendre parler d’un « deux de tension », son expression favorite en phase de lassitude, après l’ascension en 3 heures de 900 mètres de dénivellation pour une descente de plus de 2 heures, elle qui fait tellement de sport !! La fierté mal placée, Sandra renonce suite aux « encou-ragements » de Jacques.

Mercredi 17 juillet 2002

Le matin, achat de quelques poissons, baliste et fritures, aux pêcheurs locaux, excellents au barbecue. Suite aux contacts pris avec les personnes qui s’étaient intéressées à venir s’occuper de Benjamin à bord, la chance sourit à la petite famille. Lysiane Rochat, 20 ans, de Cottens, dans le canton de Vaud, est disponible jusqu’à mi-octobre et va passer 15 jours de vacances en Croatie jusqu’au 4 août. Ceci correspond parfaitement au programme des Gauthey qui doivent être le 31 juillet à Split, en Croatie pour retrouver la fille aînée de Jacques, Létitia. Rendez-vous est pris pour aller chercher Lysiane le 4 août à Dubrovnik. Elle accompagnera la famille jusqu’aux Canaries. Après une grosse sieste, Vivianne et Jacques se retrouvent à 18h30 devant le local du bureau des guides. Le prix pour l’escalade est de 21 Euros par personne. L’équipement ; sac à dos, 2 litres d’eau, du pain d’épice, 2 pommes, 2 oranges, une lampe de poche, une lampe frontale, un tee shirt de rechange, un k-way et des chaussures de marche. Les guides remettent encore un casque aux 30 personnes du groupe. La marche d’approche commence le long du rivage, puis sur un chemin aménagé sur l’une des crêtes qui mène au volcan. À 21h45, sans grandes difficultés, le groupe arrive au point d’observation, distant de près d’un kilomètre du cratère en activité. Jacques appelle le bateau avec la VHF portable. Tout va bien à bord, Babou est tout gentil. Ils aperçoivent les lueurs des lampes de poche depuis le mouillage. Le vent souffle avec violence, apportant des masses de fumées volcaniques. À intervalles très réguliers, le cratère s’éclaire de lueurs orange dans la nuit qui sont suivies d’explosions extraordinaires. La lave en feu gicle à des dizaines de mètres et retombe en blocs incandescents le long de la pente. C’est magnifique. 22h45, nouveau départ pour la descente. Tout le monde est équipé de masques pour traverser les nuages qui sentent fort le soufre. À la queue leu leu le groupe dévale une pente de 45° formée d’un amas de sable mou dans lequel les chaussures s’enfoncent complètement. L’impression de marcher dans de la neige poudreuse. Au bout de 30 minutes à ce rythme, sans rien voir, les jambes souffrent. Derrière Jacques, un Allemand qui ressemble comme une goutte d’eau au commandant jouant dans le film « La Grande Vadrouille » est équipé de sandalettes et souffre continuellement des cailloux qui se glissent sous ses pieds. Il n’arrête pas de jurer « Scheisse » au soufflant comme un bœuf, à mourir de rire. Retour au bateau à 1h30, c’était génial.

Jeudi 18 juillet 2002

10h30, départ pour l’île de Panaria, distante de 16 miles. « Alizé » contourne le Stromboli par le Nord, face à la houle et le vent de Nord-Ouest 3 – 4. De belles photos, mais Blandine n’apprécie pas du tout !! à 13h00, selon les désirs de Vivianne, le catamaran mouille le long de la côte Est de Panaria, près du village par 11 mètres de fond et 45 mètres de chaîne. Il fait toujours grand beau avec un bon vent d’Ouest de 15 à 20 nœuds. Ces îles sont splendides, mais les ferrys vont et viennent sans cesse, en ayant la mauvaise habitude de foncer toujours jusqu’au dernier moment avant d’accoster. Cela crée un clapot d’enfer bien désagréable. Visite à terre dans l’après-midi et découverte d’une atmosphère magique. Cette île sent le bien-être. Il y a de belles maisons, des ruelles aménagées, des jardins et des terrasses de style byzantin. En voiture électrique, la petite équipe longe la côte jusqu’aux ruines d’un village préhistorique qui à l’air trop beau pourêtre vrai, puis c’est la découverte depuis les hauteurs de la crique « Del Zimmari ». une beauté de la nature. Pourquoi n’en parle-t-on pas dans les guides de navigation. De retour au bateau, une mauvaise surprise attend l’équipage. La « Guarda Civil » fait déplacer le catamaran de 20 mètres pour être à 200 mètres du quai, distance soit-disant réglementaire, mais non inscrite sur les cartes. Jacques fulmine, jure contre ces cons d’italiens, tous des frimeurs !! pour bien finir la journée, la soirée se termine au restaurant où les prix sont corrects (115 Euros pour 5 personnes) et où Babou se fait des petits copains italiens. C’est vrai qu’il prend toujours avec lui son petit sac à dos rempli de jouets et de voitures et qu’il n’hésite pas à aller au-devant des enfants et à leur prêter ses jouets.

Vendredi 19 juillet 2002

Au revoir Panaria, cette île a un goût de reviens-y. 06h45, départ pour le Détroit de Messine large de 4 kilomètres et encombré de cargos et de ferrys qui traversent sans cesse entre l’Italie et la Sicile. Blandine apprécie le vent d’Ouest 3 – 4 qui nous pousse gentiment vers le détroit. Le passage se fait sans problèmes, avec des phénomènes de courants qui sont tout aussi impressionnant qu’à Gibraltar. Les courants sont toujours portants du Nord au Sud au milieu du détroit et les contres-courants Sud-Nord sont concentrés le long des côtes. Avec une vitesse de 9 nœuds au moteur (2 nœuds de courant favorable), « Alizé » laisse pratiquement sur place un bateau qui a choisi une option côtière. À 13h15, amarrage au port de Reggio di Calabria, en remerciant vivement le placeur qui a permis la manœuvre juste devant un voilier italien qui arrivait comme un fou au moteur. C’était la dernière place disponible. C’est les grands nettoyages du catamaran, tout salé après une semaine de navigation en mer. Pierre-Alain donne un grand coup de main, nettoye les coussins, les cordages et le cockpit, pendant que les dames astiquent l’intérieur. À 16h00, c’est une grande joie de voir arriver Charly L’Eplatenier, ami d’enfance de Jacques, qui vient rendre visite aux Gauthey depuis Tropea, distant de près de 100 kilomètres, où il est en vacances. En fin d’après-midi, arrivée d’un petit bateau français. Plus de place dans la marina, Jacques accepte volontiers qu’il se mette à couple du catamaran, les informant du départ matinal le lendemain. Ces voisins arrivent de Croatie et ont la gentillesse de transmettre quelques recommandations de mouillage des ìles de Dalmatie. En soirée, Pierre-Alain fait des spaghettis carbonara dont il a le secret et c’est la fête à bord.

Samedi 20 juillet 2002

L’équipage laisse malheureusement Charly sur le quai et largue les amarres à 07h45. une navigation sans soucis, voiles et moteur pour accoster à 14h30 à la marina Diporto Nautico Etnea à Catania. Pas de doute, c’est la plus sympathique des 3 marinas du port, YC3 n’ayant pas d’électricité, YC1 étant tout petit. À 16h30 débarquent les « Ramseier », Patricia et Andreas, le parrain de Benjamin. Leur fils Christian les accompagnent pour leurs vacances en Sicile. Quel bonheur de retrouver des amis si proches dans ces circonstances. Ils mettent à disposition leur voiture de location pour que Vivianne et Jacques puissent aller faire un gros avitaillement au supermarché Auchamp tout proche. Des provisions pour 3 adultes, puisque Sandra est d’accord de rester jusqu’en Croatie sur le bateau. Plage, apéro, barbecue, nouvelle fête à bord. À minuit, les adultes partent en balade dans les rues proches du port qui grouillent de monde. C’est le Giro de La City, une course cycliste de nuit !! Café sur la terrasse du restaurant du marché aux poissons. Ça pue, c’est sympa et les bouteilles de Limoncello et de Grappa sont laissées sur la table, à disposition des clients qui ne s’en privent pas !! Christian dort dehors, sur le trampoline, Andreas et Patricia dans le carré avec des éclats de rire qui n’en finissent pas après cette longue soirée arrosée (de l’intérieur). C’est magnifique les amis.

Dimanche 21 juillet 2002

Ce matin, Jacques, bien fatigué de cette folle nuit, reste endormi plus longtemps que d’habitude. Il réalise alors le faible niveau d’insonorisation d’un bateau. Tous les bruits s’entendent, les voix, les pas, incroyable. Toute l’équipe part à la découverte du marché aux poissons et aux légumes. Jacques en profite pour faire la maintenance préventive des moteurs. Nettoyage des décanteurs de fuel, changement du filtre à huile, vidange du moteur et du sail-drive tribord. Jacques a beau essayer, impossible de dévisser le filtre à fuel, après 403 heures de fonctionnement, il faudra absolument le faire à Split, où le service après vente de Lagoon fera intervenir son représentant, la société Nautika Centar Nava. De retour d’un marché splendide et haut en couleur, l’équipe ramène de belles dorades qui sont vite grillées sur le barbecue. Il fait beau, il fait chaud, difficile d’avoir mieux. À 17h00, malheureusement, les Ramseier repartent. Pourquoi n’ont-ils pas pensé à venir en croisière jusqu’à Split !! rendez-vous est pris pour le premier retour de la famille Gauthey en Suisse, en août 2003.

Lundi 22 juillet 2002

Jacques, le mécano, entreprend la maintenance du moteur bâbord, pendant que le reste de l’équipage retourne au marché. Une fois les vidanges terminées, il s’aperçoit qu’il y a une vis de purge tout en bas du sail-drive qui devrait permettre de changer le 100% d’huile, ce qui n’est pas le cas par la vis de contrôle de niveau d’huile. Le problème est que le constructeur n’a pas fourni le connecteur de diamètre 10 mm à visser, permettant le pompage de l’huile. Pourquoi, c’est incompréhensible. À 13h00, après 2 semaines passées sur « Alizé », Pierre-Alain et Blandine doivent aller prendre l’avion à l’aéroport tout proche de Catania. 15 jours d’entente et de découvertes exceptionnelles comme l’écrit Blandine dans le livre d’or ;
« Que de choses se bousculent dans notre tête…que de merveilleuses découvertes au fil de l’eau qui seront gravées dans notre mémoire. Qu’il est doux d’avoir de si bons amis qui nous ont accepté sans aucune connaissance de la mer et de la vie sur un bateau. »
Beaucoup de larmes pour ce départ qui est ressenti comme un déchirement. À 14h00, c’est le départ pour la longue remontée sur la Croatie, 1ère escale Crotone, distant de 150 miles, sous la botte italienne. Comme il n’y a pas de station accessible pour faire du duel, les réserves seront prises sur les 10 jerricans de 20 litres stockés à bord. La météo annonce un vent de NE de force 4 – 5, en fait il n’y a rien. Au moteur, « Alizé » quitte sans regret Catania, ville sale, où les habitants prennent la mer pour une poubelle. Enfin, à 19h00, après pratiquement 3 semaines de navigation, des dauphins viennent jouer à la proue du bateau. Que ce soit dans la mer Tyrrhénienne ou le long de la côte W de la Corse, aucun signe de présence d’animaux marins. C’est un mauvais signe et la saleté de l’eau n’y est pas étrangère.

Mardi 23 juillet 2002

De nuit, le pied de la botte italienne est surprenant. Il y a des habitations tout au long de la côte, avec des illuminations ininterrompues. La brise nocturne change constamment, il faut tout le temps régler les voiles. Difficile de sommeiller tellement il y a de cargos qui croisent la route d’ »Alizé ». Pendant son quart, Vivianne s’offre un divertissement en regardant à la télévision le DVD du film « Le fabuleux destin d’Amélie Poulin ». à 08h00, le vent de NW s’est levé avec des pointes à 30 nœuds. Avec un ris dans la grand voile, le bateau marche à 7,5 – 8 nœuds. À 10h00, c’en est fini du vent, reste bien sûr le clapot, ça cogne et c’est détestable. Pour assurer la consommation de fuel jusqu’à Crotone, il faut verser un jerrican de 20 litres de diesel dans chaque réservoir. Pas facile dans ces conditions. Enfin à 13h00, après 150 miles de navigation, amarrage au ponton de la nouvelle marina Porto Veccio de Crotone. Très bien conçue, propre, tout est prévu. Eau, électricité, douches et buanderie, mais à ce jour, il n’y a que l’eau qui est en service. Il semblerait que l’Italie se soit fait une spécialité dans l’utilisation des subventions européennes pour développer les accès à la mer et que les sommes versées n’aient pas permis de terminer les travaux en cours. Viva Italia !!! Avec l’annexe, la petite famille profite de l’après-midi ensoleillé pour se rendre à la plage de la ville, juste à l’extérieur du port. L’accueil des gens locaux est extrêmement cordial. Vivianne a ainsi l’occasion de discuter avec la mère de deux petits-enfants, une canadienne mariée à un natif de Crotone, plagiste de son état. Il apparaît que les conditions de vie sont vraiment sommaires ici, que ce soit dans l’éducation des enfants, les loisirs ou les soins médicaux et équipements hospitaliers. Cette femme, sans illusions, ne souhaiterait qu’une chose, pouvoir offrir à ses enfants l’éducation telle qu’elle existe au Canada.

Mercredi 24 juillet 2002

Dans la matinée, nettoyage des éléments inox du bateau avec un produit spécial à base d’acide pour éliminer les taches de rouille. Ce produit est tellement efficace qu’il bouffe carrément les brins du filet de protection posé contre le bastingage du bateau. À 12h00, après avoir fait le plein de fuel, c’est le départ pour Brindisi, première halte dans la mer Adriatique, distant de 150 miles. La météo annonce un vent de NW force 4 virant à l’Ouest. En fait, rien de tout ça et à 17h00, c’est un petit 6 – 7 nœuds du SE qui pousse le bateau, au moteur avec les voiles. Durant ces longues traversées, toute une organisation est mise en place pour s’occuper de Benjamin. Sandra invente des bricolages, joue beaucoup avec lui, puis Babou se passionne facilement pour l’ordinateur et ses jeux éducatifs, après quoi Vivianne le fait participer à la confection d’un excellent gâteau au chocolat, un mot qui fait tilt pour le petit bout de chou, enfin c’est avec une petite réticence que l’heure de la sieste de l’après-midi arrive, mais elle dure quand même une à deux heures. À 18h00, la ligne de traîne de la canne à pêche crépite. C’est la joie et l’excitation à bord. Une prise c’est sûr, mais poisson ou plastique ? Jacques sort son harnais de pêche et commence à remonter la ligne. C’est dur et ça vient à coup de centimètres. Puis, d’un coup il apparaît. Un thon énorme, c’est génial. Pour remonter la prise, le bateau a été mis au ralenti, voiles dehors. C’est à ce moment que le vent se lève, Jacques n’arrive plus à tenir la ligne et se dépêche de remonter le thon. Fatale erreur, d’un coup, clac, le poisson est perdu, l’hameçon a dû lui déchirer la gueule. Quel con !! trop pressé.

Jeudi 25 juillet 2002

00h30 ; Vivianne a terminé ses nombreux SMS (les messages par téléphone portable) aux amis en Suisse. La plupart d’entre eux sont au festival de musique du Paléo à Nyon, en train d’assister au concert du groupe Supertramp. Une grosse envie d’être parmi eux se manifeste !! Comme la nuit de navigation précédente, le vent change constamment de force et de direction. Cela crée un clapot qui va dans tous les sens et qui est bien désagréable. À ce propos, Jacques écrit dans son journal de bord ;

« 03h15. Rarement vu une mer aussi capricieuse. Au large du Cap d’Otrando, à l’entrée de l’Adriatique, au milieu des cargos et des pêcheurs, le vent de S, vent arrière, passe au Nord, puis à l’Ouest, il varie de 3 à13 nœuds en quelques minutes. C’est pire que sur le Lac Léman. La houle principale est toujours de Sud. On avance seulement à 5,7 nœuds, avec la grand voile et les moteurs, certainement en raison des courants du canal. Comment ferions-nous sans moteurs. Impossible de tenir le programme que l’on s’est imposé. Impossible de fixer des rendez-vous à quelqu’un. 04h45 ; d’un coup le vent de SW monte à 25 nœuds. 1er ris, décidément ! Ciel orageux, des éclairs derrière nous, bientôt la pluie. Une chose est sûre, il fait chaud et l’on navigue en maillot de bain, c’est génial ».

Avec le lever du jour, l’équipage peut constater les dégâts. Le bateau est couvert d’une couche de sable jaune. Il est dans un triste état, tout est à nettoyer une fois encore. À 08h00, c’est l’apothéose avec un vent NW de face avec des pointes à 30 nœuds et une houle qui se forme rapidement. « Alizé » est encore à 12 miles de Brindisi. Jacques choisit l’option de se réfugier le long de la côte. C’est la lutte contre les éléments à un mile de la côte avec des hauts-fonds de 5 à 10 mètres qui obligent le bateau à regagner le large. Finalement 4 heures et demie plus tard, à 12h30, c’est l’amarrage au ponton de la marina Lega Navale YC, tout au fond de l’immense bras de mer de 2,5 miles de Brindisi, qui offre un excellent abri. Brindisi, c’est un important port marchand et commercial, avec ses raffineries et ses ferrys. C’est aussi une importante base militaire de l’ONU, avec ses navires et ses avions. L’aéroport est juste à côté du port. La marina connaît des restrictions d’eau, comme toutes la région des Pouilles en Italie. Impossible de nettoyer le bateau avant demain matin entre 06h00 et 08h00. Tant pis, la sieste est bonne. La météo pour les jours suivants n’est pas favorable, vent de NW force 4 – 5, localement 6 pour toute l’Adriatique. Le bateau est bloqué au port. Dans les environs proches de la marina, une banlieue résidentielle en toute simplicité, la petite famille part à la recherche d’un supermarché. Un petit commerce fera l’affaire, avec toute la famille qui participe aux achats, soit pour traduire, soit pour disposer les courses dans des cartons et les apporter au bateau. Une gentillesse formidable qui est aussi celle des responsables du port et du restaurant en bord de mer où l’ambiance est 100% locale. Pas de cartes, pas de prix, mais 35 Euros pour 3 personnes, pour 2 plats de fritures, une pizza, des salades, une purée, de l’eau et du rosé, il n’y a rien à dire, comme les 23,50 euros par jour que coûte la place pour le catamaran. Il faut le dire, les Siciliens sont des voleurs !!!

Samedi 27 juillet 2002

Grosses pluies durant la nuit et météo inchangée. Au moins le bateau est lavé. Balade en ville, remplie de touristes. Après consultation de plusieurs agences de voyage, Sandra a la possibilité de prendre un vol Brindisi – Bâle ce soir à 20h25. Elle accepte. Vivianne se retrouve toute désorientée à l’idée de la voir partir. Finalement, Sandra ne partira pas en avion, les places étant réservées pour les vacanciers. C’est en train qu’elle quitte Brindisi à 20h00, pour Milan, puis Genève. 5 minutes pour faire les bagages et se dire au revoir, fin d’une histoire qui aura duré 3 mois.

« Sandra, merci pour toute l’affection que tu as portée à Babou. Tu as partagé plein de choses avec lui, sa cabine, les nombreux bricolages que tu as faits, les jeux et les chansons. Tu étais à son niveau et tu t’en es très bien occupée. Nous ne connaîtrons jamais les points positifs et négatifs de ta vie à bord d’ « Alizé ». Nous n’avons pas eu le temps de les évoquer. De notre côté, parmi tes défauts, sans que cela soit bien méchant, nous ne te verrons plus le matin avec le visage mal réveillé et des « 2 de tension ». Nous n’entendrons plus tes réflexions sur l’éducation de Babou, alors que toi-même n’en a pas. Fini le bruit des dés du jeu Yahtzee auquel tu jouais des heures par jour. Finies tes intéressantes précisions sur tes problèmes d’intestins, et puis, nous n’aurons plus à te critiquer sur ton manque d’intérêt pour les endroits que nous avons visités et pour tout ce que tu ne pratiques pas en général. Tu as été une super copine pour Benjamin et il n’est pas prêt de t’oublier, nous non plus d’ailleurs. »

Curieusement, Babou n’a aucune réaction face au départ de Sandra, au contraire, il se réjouit déjà de voir Lysiane et surtout sa sœur dans quelques jours. Peut-être aura-t-il une réaction tardive ? Il reste 190 miles jusqu’à Trogir en Croatie pour accueillir Létitia. Cela fait en tout cas 32 heures de navigation. Si le départ n’est pas possible demain, cela va être très difficile d’être au rendez-vous. Aïe, aïe, aïe !!

Dimanche 28 juillet 2002

Après avoir écouté la météo italienne sur le canal 68 de la VHF, la décision est prise de profiter du vent de NE force 5 qui est annoncé. Après le plein de fuel, à 10h30, c’est le départ dans une mer bien agitée, au pré, plein Nord, pour prendre une marge de manœuvre à l’Est de la route idéale, dans le cas où le vent tournerait au Nord. C’est ce qui se passe. En fin d’après-midi, le vent vire de plus en plus au Nord, puis au Nord-Ouest. Le bateau avance à 6 nœuds, toutes voiles dehors avec le moteur, le pilote automatique est réglé sur un angle constant de 30° par rapport au vent de 15 à 20 nœuds. À 20h00, « Alizé » fait un cap tellement Ouest qu’il faut virer de bord. Changement de route et cap plein Nord, direction Clavât, distant de 85 miles. Toutes les prévisions de la météo italienne sont fausses. Jacques en a ras le bol de cette Méditerranée.

Lundi 29 juillet 2002

Vivianne a fait son quart de nuit de 01h00 à 04h00, chapeau !! à 05h00, le vent de NW repasse au N, puis NE toujours 19 à 24 nœuds. Jacques est encore une fois obligé de changer de stratégie et revient à la route initiale, direction l’ìle de Susac, au pré avec 1 ris dans la grand voile, sans moteur. Une heure plus tard, c’en est fini du vent et c’est au moteur que cette navigation se termine. De quoi vous dégoûtez. Jacques admire de plus en plus Vivianne pour son aide précieuse et son soutien. D’autant plus que le radar à la bonne idée de tomber en panne, indiquant que le câble de connexion avec l’antenne est endommagé. Finalement, par un temps très brumeux, à 15h00, c’est l’arrivée à Vis, dans la grande baie de Viska Luka. 1er mouillage en Croatie. Vivianne a lu toute la documentation sur les îles de Croatie qui se trouve à bord. Cela a l’air d’être très prometteur. Le charmant village de Vis, partiellement à reconstruire, est un port d’entrée pour les bateaux arrivant en Croatie. Après avoir changé 200 $ pour 1’800 kunas (1 kuna = environ 1 FF) c’est le passage à l’immigration, aux douanes et à la police. Une mauvaise surprise attend la famille Gauthey, avec l’obligation de payer un permis de navigation, valable 1 an, pour un montant de 1'636 kunas. 270 Euros pour naviguer 3 semaines, c’est de l’arnaque. Effectivement, ici, la vie à l’air d’être chère pour les touristes en tout cas. Balade, apéro, Babou se défoule à terre en faisant de la trottinette. Qu’il fait bon être tous les 3. Par téléphone, Jean-Georges Bordes confirme qu’il rejoindra l’équipage le 21 août à Split pour participer au long retour sur l’Italie. Il informe aussi Jacques qu’il a des problèmes de trésorerie et qu’il n’a toujours pas touché le dernier acompte du Lagoon dont l’ordre de paiement a pourtant été donné le 12 juillet dernier.

Mardi 30 juillet 2002

09h30, départ pour la dernière étape avant l’arrivée de Létitia. 30 miles vite avalés au moteur pour changer. L’examen détaillé des cartes nautiques et la lecture attentive du guide de navigation « Adriatic pilot » d’Imray est une activité quotidienne essentielle pour Jacques à partir d’aujourd’hui. La mer a une profondeur d’à peine 50 mètres ici et les nombreuses îles sont entourées de hauts-fonds qu’il vaudrait mieux éviter. Une navigation à vue, un slalom entre les collines boisées ou pelées des îles toutes proches les unes des autres, une attention toute particulière aux très nombreux voiliers et yachts qui naviguent dans tous les sens, voilà qui change des longues traversées des jours précédents. À 14h00 arrivée à Trogir, la ville de la Côte Croate la plus proche de l’aéroport de Split. La vieille ville a été construite en bord de mer, au plus près de l’île de Ciovo, reliée à la côte par un unique pont. La marina de Trogir est parfaitement organisée et offre toutes les facilités. Après avoir fait la queue pour prendre du fuel, les placeurs dynamiques du staff de la marina guident le bateau à une place en bout de ponton, en facilitant la prise des pendilles, toujours aussi dangereuses pour les hélices. Les pontons laissent très peu d’espace aux bateaux pour manœuvrer et c’est un spectacle permanent des arrivées et des départs. Dès le milieu de l’après-midi, la marina est complète. C’est la haute saison et manifestement la grande majorité des bateaux sont des locations. Après les grands nettoyages, auxquels participe activement Babou, surtout pour gicler avec le jet les autres bateaux, c’est la découverte de la cité. De vastes terrasses le long des quais où sont amarrés les grands yachts, des remparts qui laissent l’accès aux étroites ruelles pavées, des boutiques, des restaurants et des bars. Magnifique, tout cela au milieu d’un monde fou où l’on entend plus l’allemand qu’une autre langue. Des Allemands, des Autrichiens et des Italiens, c’est la clientèle locale. Trogir, c’est le Capri de Croatie. Le soir, sous les vastes parasols d’un des restaurants, à l’abri de la pluie qui tombe en abondance, la famille Gauthey peut constater l’aspect touristique des prix en payant 280 kunas (68 Euros) pour une pizza, une sole, une bouteille de vin et une salade !! Pour l’instant, la Croatie n’est pas à la hauteur …

Mercredi 31 juillet 2002

Il pleut encore ce matin. À 11h00, Jacques et Babou montent dans le taxi qui les emmènent à l’aéroport, à la rencontre de Létitia qui atterrit à 12h00. Passés les bouchons de la ville, il suffit de quelques minutes pour se retrouver dans le hall d’arrivée. Le trajet aller coûtera quand même 90 kunas !! 12h15, c’est le bonheur, Létitia est là, en vacances pour 3 semaines sur le catamaran. Babou est heureux, d’autant plus que dans ses bagages, Léti amène le DVD de Tarzan !! Dans l’après-midi, Mladen Orosnjak, de la société Nautika Centar Nava, concessionnaire Lagoon en Croatie, vient à bord pour constater les travaux à faire dans le cadre du service après vente. Rendez-vous est pris pour le 13 août à leur marina de Split. Une très bonne impression. Le soir, alors que Babou (les adultes aussi) a déjà vu trois fois le dessin animé de Tarzan, balade dans la cité, carrousels.

Prochain chapitre – le mois d’août 2002

« Alizé » et son équipage découvrent les mouillages sauvages ou populaires de la Croatie où les plages n’existent pas et où les bateaux de locations et les naturistes sont omniprésents. C’est l’effervescence du tourisme après la guerre, le besoin de rattraper le temps perdu et de gagner de l’argent. Tout autour des vieux villages typiques, de nouvelles constructions, ravissantes, sont visibles partout. Combien de temps ces paysages resteront-ils encore intacts ? les mauvaises conditions météos, permanentes durant ce mois d’août, comme dans le reste de l’Europe, empêcheront de profiter des eaux turquoises mentionnées dans les livres. Avec Létitia, Lysiane à bord et Brigitte Borgeaud pour une croisière d’une semaine, Jacques et Babou sont bien entourés. Mais la Croatie, ce sera surtout le souvenir douloureux de la perte d’ « Alizé » dans la nuit du 9 août, sans personne à bord, lors d’un violent coup de vent (un coup de Bora) à Hvar. Le catamaran sera miraculeusement retrouvé intact grâce à un voilier italien « Ariel » et son skipper « St. Raphaël ». De bien belles rencontres spontanées suivront. Après 3 semaines de merveilleuse compagnie, Létitia devra malheureusement rentrer en Suisse. Puis dès le 22 août, sans Jean-George Bordes, accidenté au dernier moment, c’est le long retour sur l’Italie, la Sicile, la Sardaigne pour rejoindre les Baléares au mois de septembre. Un journal de bord bien rempli qui fera l’objet des prochaines news.

Amitiés à tous, Jacques, Vivianne et Babou

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