Objectif-îles; les News 9 - août 2002
Vos hôtes
Les croisières

fin 2002 et 2003

N°9

août 2002


Jeudi 1er août 2002

Depuis la jolie marina de Trogir, c’est les préparatifs au départ. Rendez-vous a été pris avec Lysiane, la nouvelle jeune fille, pour le 4 août à Sipan, une île proche de Dubrovnik, où elle termine ses vacances. Le temps est brumeux, le vent nul. Exclu dans ces conditions d’espérer observer les eaux turquoise mentionnées dans de nombreuses revues sur la Croatie. 11h00, « Alizé » quitte le port, direction l’île de Brac Povlja, se faufilant entre les nombreux charters de locations et les hauts fonds. Une navigation à vue qui nécessite une bonne anticipation. Après 33 miles au moteur, à 15h45, le catamaran mouille tout au fond de la longue calanque « Uvala Luka » qui s’enfonce de plus d’un mile dans les terres. De belles collines sauvages couvertes de cailloux et de buissons. Le bruit des criquets résonne partout. Les seules constructions de l’endroit sont un joli restaurant, qui semble très récent, et un ponton permettant à 3 ou 4 bateaux de s’amarrer. Tout cela serait magnifique si le seul autre bateau au mouillage n’était occupé par 2 couples d’Allemands ou d’Autrichiens, tout nus, exhibant leurs grosses panses pleines de bière. Quel gâchis ! Le naturisme pourrait bien être à la mode dans ce pays, puisqu’en observant les rivages environnants, distants de moins de 50 mètres, plusieurs cas similaires se prélassent sur les rochers. La famille Gauthey pourra même assister en direct à la pratique du sport « comment ne pas faire un bébé toute seule », sans gêne et sans censure !!! Quoi qu’il en soit, la plage de galets fait plaisir à Babou et l’apéro est bon sur la terrasse du restaurant.

Vendredi 2 août 2002

Beau. 10h00 départ pour la calanque de Rasotica, tout à l’Est de l’île de Brac. Cette crique est considérée comme la plus belle de Croatie par le guide de navigation d’Imray et c’est vrai qu’elle est magnifique avec de belles couleurs turquoise et des pins qui embaument. Seul problème, l’encombrement. Le fond de la calanque est totalement occupé par 3 bateaux. Il faut mouiller dans la partie avant, par 12 mètres de fond avec une amarre à terre. C’est parfait pour un mouillage de jour, mais insuffisant pour passer la nuit à l’abri d’un coup de vent. Après la baignade, nouveau départ direction l’extrémité Est de l’île de Hvar qu’il faut contourner pour accéder au passage entre la péninsule de Loviste et l’île de Korcula. À travers ce dédalle d’îles, les distances sont vite importantes et c’est seulement à 17h30, après 37 miles, au moteur bien sûr, qu’ « Alizé » mouille à Loviste, dans la baie de Luka. Rien à dire sur cette grande crique bien abritée, mais quelconque, si ce n’est l’invasion des guêpes et des familles de naturistes, papa, maman et enfants compris, à bord des autres bateaux alentours.

Samedi 3 août 2002

La petite famille poursuit son approche de Sipan pour son rendez-vous avec la nouvelle jeune fille Lysiane. La traversée du canal Peljeski est splendide avec d’un côté des collines pelées et de l’autre l’île de Korcula encore bien boisée. Le village de Korcula est particulièrement typique, avec ses vieilles maisons de pierres et de marbres, son église et ses remparts. C’est l’invasion touristique. Des ferrys et des bateaux de location partout, une grande marina et quelques eaux turquoise. À travers les îlots, par quelques mètres de fond, le catamaran gagne la plage de Lumbada, sur la côte Sud de Korcula. Bof !! Une baignade plus tard, départ pour l’île de Meljet, au Sud Est. Vent toujours nul. À 16h00, c’est l’arrivée au plus beau mouillage à ce jour. La crique de Polace, dans le parc national protégé. Une approche sauvage de plus d’un mile à travers des îlots verdoyants intacts et une vaste baie tout au fond, avec des forêts de pins qui parfument l’air et qui doivent plaire aux guêpes. Le petit village est composé de quelques maisons et restaurants, mais l’ambiance est presque authentique. Depuis son arrivée, Létitia est adorable. La fille de Jacques, 17 ans bientôt, paraît vraiment bien dans sa peau d’ado. Babou se régale et le papa aussi.

Dimanche 4 août 2002

07h45, départ pour Sipan. Le temps est couvert, dommage les couleurs sont ternes, rien à voir avec les photos des revues nautiques. Comme chaque matin, le vent d’Est-Sud-Est, force 4, se lève et c’est au moteur, vent dans le nez que l’approche se fait. La rade de Sipan avec son village en bord de mer est ravissante. À 11h30, c’est la rencontre avec Lysiane Rochat, tout sourire. Babou se réfugie dans les bras de sa mère, tout impressionné. Elle est accompagnée par la famille Slovaque chez qui elle a passé ses vacances. Antoine, physicien au CERN à Genève, sa femme Gyslaine et leurs deux fils. Une famille de surdoués, chaleureux et accueillants. Ils possèdent depuis longtemps une maison sur un flan de colline tout proche de Sipan. Une maison qui a reçu deux bombes en plein dedans durant la guerre !! Après un premier apéro et une visite à bord d’ « Alizé », la famille invite tout le monde au restaurant du coin. C’est un festival. À 15h00, il est très dur de partir. Merci pour ce bon moment. Le beau temps est de retour et le vent de SE s’est maintenu. Enfin, il pousse le bateau en direction de Polace où le bateau retourne. Le dessalinisateur marche parfaitement durant le trajet et produit environ 100 à 120 litres d’eau douce en deux heures. Voilà un équipement formidable qui assure une bonne autonomie en eau lorsqu’il n’y a pas de quai de ravitaillement à proximité. À 18h00, arrivée au mouillage, toujours aussi beau. Pour la 2ème fois, le moteur tribord s’arrête en marche arrière lors de la descente de l’ancre. Aïe, aïe, aïe !!! Lysiane s’installe dans la cabine arrière bâbord, avec Létitia.

Lundi 5 août 2002

C’est la Fête nationale Croate. Le souvenir de la libération durement acquise. 08h15, départ au Nord-Ouest, direction Korcula, puis la ville de Hvar, sur l’île du même nom. Pour changer le vent est contraire. 3ème panne du moteur tribord. D’abord une baisse de régime, puis l’arrêt. Mais le moteur redémarre sans problème. À 14h00, joli mouillage sauvage dans la petite calanque de Manastir, sur la côte nord de la petite île de Scedro au Sud de Hvar. Large d’à peine 50 mètres, le catamaran mouille par 3 mètres de fond, 15 mètres de chaîne et une amarre à terre. Difficile de rester ici pour passer la nuit, mais l’endroit est magnifique. Avec Babou et ses brassards, Jacques se rend à terre à la nage et va acheter du poisson au petit restaurant isolé au fond de la calanque. 200 kunas (matata) pour un kilo, la caissière va hurler, tant pis l’envie est trop forte. Grâce à Blandine Veuthey en Suisse, une annonce est parue aujourd’hui pour la recherche d’une jeune fille qui s’occuperait de Babou depuis les Canaries. Cela provoque une quinzaine de téléphones. Vivianne s’occupe des candidates, les renseigne et leur demande de transmettre par email un petit courrier pour expliquer leur motivation à partager la vie d’une famille à bord d’un bateau pendant près de 9 mois. Plus tard, en faisant du snorkling sous les coques du bateau, Jacques constate qu’un fil de pêche est pris dans l’axe de l’hélice bâbord. Il faudra beaucoup d’efforts sous l’eau et des mains entaillées pour libérer le fil, totalement entortillé autour de l’axe. 15h15, le moteur tribord ne démarre plus, c’est la panne. Jacques essaye de garder son calme et ouvre la grande trappe du moteur situé sous les lits de la cabine arrière. Cela ne devrait pas être un problème électrique, alors tout le circuit d’alimentation est passé en revue, jusqu’à la vanne du réservoir……qui est fermée !!! My god, comment est-ce possible, cela fait bien 2 jours que la première panne est arrivée. Comment le moteur a-t-il pu tourner si longtemps sans être alimenté ? Tout stupide de son erreur, mais trop content d’avoir trouvé la panne, Jacques réamorce et démarre les moteurs pour lever l’ancre direction la rade de Hvar. Au mois d’août, en Croatie, il faut oublier de pouvoir trouver une place dans une marina après 15h00. C’est la même chose à Hvar, très jolie ville, pleine de cachets, qui attire tous les touristes. Pourtant, il n’y a pas de marina ici, mais un unique quai contre lequel viennent s’amarrer les gros yachts. Les voiliers viennent mouiller dans la rade, les uns sur les autres. Des ennuis garantis en cas de forts vents, d’autant plus que la baie n’est pas du tout abritée des vents de Sud, voir même Sud Est. Après 2 essais de mouillage, sans succès en raison des fonds en pente qui passent rapidement à 15 – 20 mètres, Jacques décide de partir juste en face, dans l’une des criques des nombreux îlots qui entourent Hvar. Bien tranquille, mais sans accès à la ville, la nuit est passée dans la crique Sud de l’îlot Marinkovac.

Mardi 6 août 2002

08h30, départ pour retourner à la marina de Trogir où arrive demain Brigitte Borgeaud, l’amie de longue date, qui vient passer une semaine de vacances à bord. La marina ne prend pas de réservation, il faut donc se presser. Il fait beau. Comme ces derniers jours, le vent d’Ouest a tourné Est dans la journée. À 11h30, mouillage dans la crique de Krknjas (si, si ça s’écrit comme ça) au Sud-Est de l’île de Drvenik Veli. Joli, avec des fonds rocheux clairs par 2,5 à 3 mètres de fond. Midi, le temps est à l’orage, le vent se lève et l’ancre commence à chasser sur les rochers. Départ pour la marina. La station de fuel est totalement encombrée, tant pis pour le plein de diesel. « Alizé » trouve une place à une extrémité d’un des pontons. Avec le système d’amarrage avec des pendilles, les distances entre les pontons sont tellement réduites que les incidents lors des arrivées ou départs sont fréquents. Avec le vent qui se lève, c’est forcément le cas et deux bateaux viennent prendre leur quille dans la pendille bâbord du catamaran. L’un d’eux à un équipage allemand. Le skipper insulte Jacques parce que le nœud d’amarre qu’il essaye de défaire est mal fait (c’est vrai !!). du coup, la moutarde monte au nez de Jacques qui les laisse en plan se démerder !! Non mais sans blague !! Quelques minutes plus tard, une femme de l’équipage vient gentiment demander de revenir les aider « bitte, bitte, helfen Sie uns ». Toujours furieux, Jacques va défaire le nœud, libère la pendille, tout en ruminant contre cette sale mentalité d’Allemand. À 16h00, c’est l’orage qui éclate. Un coup de « Bora » un vent violent accompagné d’énormes pluies. En quelques minutes, le vent de NW est monté à 40 nœuds. Dans la baie, c’est la panique, les bateaux ont levé l’ancre et tournent en rond dans la tempête de pluie qui s’abat ou essayent de venir se mettre à couple. 18h00, tout est terminé. Il vaut mieux être bien abrité dans ces conditions.

Mercredi 7 août 2002

Plusieurs pluies durant la nuit, mais le matin, le ciel est dégagé avec un fort vent de NW force 4 à 5. comme chaque jour, Jacques prend la météo en branchant le PC portable sur le Standard C et en ouvrant les fichiers météo EGC (gratuits) établis par Athènes et couvrant toute la Méditerranée orientale. Ce n’est pas toujours fiable, mais c’est un moyen peu coûteux d’obtenir la météo avec une couverture mondiale. Ce matin, impossible d’ouvrir « Windows », 3 fichiers sont indiqués manquants ou contaminés. Le vieux portable sur lequel a été installé le Standard C a rendu l’âme. C’était à prévoir, mais c’est la consternation. Plus de météo, ni de mails !! Brancher le portable Mac G4 n’est pas possible, le câble de liaison entre la fiche du Standard C et l’entrée USB du Mac G4 nécessite un logiciel d’installation qu’il faudrait aller chercher sur internet. C’est la déprime. Jacques a encore une autre raison d’avoir le blues. Après beaucoup d’efforts, les news d’Objectif-îles sont prêtes. Le cybercafé de la marina refuse de donner une connexion directement sur le portable de Jacques, condition indispensable pour pouvoir actualiser le site internet. Un essai dans un 2ème cybercafé de Trogir n’est pas plus concluant. Impossible donc de mettre à jour les news du site. Il faut une fois pour toute résoudre ces problèmes de liaison Standard C. Jacques téléphone à Jean-Georges Bordes, puis à Jean-Claude Chardon qui a posé l’installation actuelle. Il les informe qu’il est prêt à investir dans un nouveau PC adapté et configuré pour le Standard C. Il se fait que Jean-Claude vient d’en acheter un pour cet usage, il est d’accord de le céder à Jacques pour son prix d’achat, soit environ 1'700 Euros. Jean-Georges qui doit rejoindre l’équipage le 21 août à Split l’apportera à bord. C’est dans ces dispositions pénibles et déprimantes que Brigitte Borgeaud embarque à bord d’ « Alizé » dans l’après-midi. On aurait pu rêver d’une autre ambiance pour l’accueil. Jacques n’a aucune envie de quitter la marina en fin de journée pour se retrouver dans un mouillage encombré. Heureusement, le temps est au beau, l’air est limpide, offrant une visibilité extraordinaire. La vue depuis le sommet de la Tour de la Citadelle de la vieille ville de Trogir est vraiment très belle. Pour cette 2ème nuit à Trogir, Létitia et Lysiane s’offrent une sortie nocturne au milieu d’un monde fou où les animations n’ont rien à envier à celles de St.Tropez.

Jeudi 8 août 2002

Préparatifs au départ, paiement de 99 Euros pour les 2 nuits passées à la marina. Il faudra ensuite patienter une heure en faisant des ronds dans l’eau avec le catamaran pour pouvoir faire le plein de diesel à la seule station de Trogir !! Enfin, à 11h15, départ direction l’île Otok Solta au Sud de Trogir. Un vent de WNW de 10 à 15 nœuds permet enfin une agréable navigation à voile. À 12h30, pour le plaisir de tous, « Alizé » mouille dans la longue et étroite calanque de Sesula. 25 mètres de chaîne, une amarre à terre, le lieu est joli et bien abrité. Mais c’est la foule. Pendant une heure, un voilier essaye de jeter l’ancre de manière satisfaisante, impossible en raison de l’encombrement des autres bateaux. Sous la pression de l’équipage, Jacques examine les possibilités de se déplacer à l’Est de l’île pour y passer la nuit. À 15h00, c’est le départ avec un bon vent d’Ouest de 20 nœuds, enfin de la voile. Le bateau défile le long de la côte désertique de Solta et 2 heures plus tard, « Alizé » pénètre dans la profonde calanque de Stracinska, à l’extrémité Sud-Est de l’île de Solta. C’est magnifique, des rochers escarpés, des forêts de pin, quelques habitations masquées par la végétation. La mer est comme un lac et le catamaran mouille par 12 mètres de fond, 45 mètres de chaîne et une amarre à terre. Enfin seul. Une visite à terre s’impose avec l’annexe. Parmi les quelques habitations, une maison fait office de restaurant familial « on call ». le beau-fils de la famille parle parfaitement anglais pour travailler au Comité international des réfugiés à Split. Une longue discussion s’engage durant l’apéro servi avec pain, fromage et vin local. Pendant ce temps, Babou joue aux voitures avec les petits-enfants de la maison, c’est super. Après ce moment authentique et l’achat de quelques poulpes c’est le retour joyeux au bateau. Ce matin, Babou a fait une grosse crise sous prétexte de refuser les 5 minutes d’école quotidienne. Il est donc privé de télévision et de jeux tant qu’il n’obéira pas.

Vendredi 9 août 2002 (Les événements du…)

Après une superbe nuit étoilée où de nombreuses étoiles filantes ont pu être observée, c’est le départ pour Hvar que Vivianne veut absolument aller visiter. Plein Sud, au pré, toutes voiles dehors, le vent monte à 18-22 nœuds. À 12h15, il y a suffisamment de places dans la rade de Hvar pour trouver un bon mouillage au milieu d’autres bateaux par 7 mètres de fond et 30 mètres de chaîne. Par précaution, Jacques dispose les parre-battages le long des coques, on ne sait jamais….. L’après-midi, l’équipage se rend à terre. Par prudence, Jacques reste à bord pour surveiller de près les bateaux arrivant dans la baie pour mouiller. En soirée, la situation n’a pas évolué, si ce n’est que le ciel se couvre avec un risque de pluie. À 20h00, malgré les réticences de Jacques, tout le monde descend à terre avec l’annexe pour parcourir les étroites ruelles de la vieille ville, acheter des souvenirs et trouver un restaurant dans lequel il est possible de manger à l’intérieur, à l’abri de la pluie qui menace. À 22h00, encore à table dans l’attente d’être servis, le ciel se rempli d’éclairs. Une demi-heure plus tard, la pluie tombe d’un coup, transformant les ruelles en autant de torrents. À l’intérieur de la pizzeria, les violents coups de vent ne sont pas ressentis. Après avoir enfin fini de manger l’équipage retourne vers le bateau, sous la pluie qui tombe encore en trombe. La place principale de la ville est devenue une vaste rivière charriant des m3 de boue qui se jettent dans la mer. L’eau est brune. Jacques est obligé de vider l’annexe qui est remplie d’eau. L’embarquement est périlleux, tout le monde est trempé, sans protection contre la pluie, sauf Babou affublé d’un sac-poubelle enfilé à l’envers. Arrivé dans la zone du mouillage du catamaran, l’équipage comprend vite que l’impossible est arrivé. Dans un violent coup de vent de Nord-Est, pratiquement tous les bateaux ont dérapé en direction de l’extérieur de la baie. Des bateaux voisins indiquent que le catamaran est parti à la dérive, il y a moins d’une demie-heure. Totalement désorientée, l’équipe est recueillie par un bateau voisin italien, le Capricornus. Ils sont huit à bord et leur bateau est trempé. C’est la consternation. Avec pour seuls biens leurs habits légers, la famille Gauthey, Lysiane et Brigitte ont tout perdu d’un seul coup. Bien soutenu par les italiens, Jacques appelle les coast-gards sur canal 16 VHF pour leur signaler la disparition du catamaran. Split-Radio répond qu’ils n’ont pas d’informations et qu’il faut oublier jusqu’au lendemain matin (forget it !!). Non, ce n’est pas possible de rester comme ça inactif. Jacques et Lysiane partent dans la nuit avec l’annexe à la recherche d’aide. Le vent s’est calmé d’un coup. La famille et Brigitte, sous le choc, restent à bord du bateau italien. Un contact est pris avec le yacht Anacondas de London, mouillé un peu plus loin. L’équipage accepte tout de suite de mettre leur annexe rapide à disposition pour parcourir les îles au Sud-Ouest qui entourent la baie de Hvar à une distance de 1 à quelques miles. Après avoir fait le plein d’essence, à environ 24h00, c’est le départ avec des lampes de poche en espérant trouver le bateau échoué quelque part. Après un temps interminable, sans rien apercevoir, si ce n’est de nombreux bateaux en mouvement, Jacques décide, la mort dans l’âme, qu’il faut revenir en direction de Hvar. À l’approche de la baie, dans la nuit, deux ombres, un bateau remorque « Alizé ». Des cris, la joie, des larmes. Le skipper du bateau remorqueur s’écrie « my name is Raffaele, you will never forget me !! ». Monté à bord, Jacques constate que tout paraît intact, rien n’a bougé. 2 personnes sont à bord, qui ont remonté l’ancre à la main et guident le bateau. Jacques remet les clés en place et met en marche les moteurs. Le mouillage dans la baie se fait sans problème. Il est plus de deux heures du matin lorsque tout le monde s’endort après avoir récupéré la famille et remercié Raffaele Madreperla, propriétaire du bateau Ariel et son équipage.


Samedi 10 août 2002

Il fait beau. Dès le réveil, Jacques plonge sous les coques pour vérifier que le bateau n’ait pas touché des rochers. Aucune marque n’est visible. Avec Brigitte, il part acheter quelques bouteilles de whisky pour remercier tout le monde de leur assistance. Contact est pris avec Gilles Pellerin, directeur de Courtage Assurance auprès de qui « Alizé » est assuré. Gilles s’inquiète de suite de l’attitude des sauveteurs. Ont-ils réclamé des indemnités ? Risquent-ils de bloquer le catamaran en tant que prise de mer ? Dans quelle mesure Jacques peut-il quitter au plus vite le port, voire la Croatie ? Il semble que les Italiens sont des spécialistes dans ce genre de situation. D’un coup, Jacques retombe sur terre, passant de cet extraordinaire esprit d’entraide en mer aux possibilités financières que peut rapporter ce sauvetage. Avec Brigitte, qui parle un peu italien, et Raffaele et une de ses passagères, Elisabetta, une déclaration privée en italien est établie qui sera transmise à l’assurance et servira de base pour l’obtention d’une rémunération aux sauveteurs.

Avec le recul, il s'avère effectivement que le bateau italien a profité de cette situation pour obtenir un dédommagement hors de proportion avec les événements. On peut supposer que lors du coup de vent, le bateau italien a vu dérapé "Alizé" et l'a suivi. Le catamaran n'a certainement pas été très loin avec ses 30 mètres de chaîne dans des fonds avoisinants les 10 mètres de profondeur. Au moment où "Alizé" s'est retrouvé mouillé au large, les italiens sont montés à bord pour le ramener et tenté d'obtenir une forte récompense. C'est une attitude qui n'a rien à voir avec la vraie solidarité en mer.

Après l’action, la réflexion. La famille Gauthey est sur son bateau, alors qu’elle aurait pu se retrouver démunie de tout, ayant tout perdu. Évaporés les prochaines navigations, les prochains rendez-vous et même le projet de tour du monde. Difficile d’imaginer les démarches qu’il aurait fallu entamer ce jour. Chercher le bateau échoué, déclarer le drame aux autorités locales, aux assurances, collaborer avec la police, contacter les consulats français et suisse, se loger. Puis, après une période bien indéterminée, rentrer en Suisse pour tout reconstruire. Cette nuit, Vivianne a craqué, pleuré. Babou l’a consolée, attendant de retrouver « Alizé » pour s’endormir. Lysiane a joué à « Action-woman ». Létitia s’est retirée dans son monde intérieur pour survivre et Brigitte se demandait dans quel cauchemar elle était tombée. Un événement qu’il sera bien difficile d’effacer des mémoires et qui va laisser des traces profondes. À 12h30, encore sous le choc de la nuit précédente, avec une certaine émotion, « Alizé » quitte la baie de Hvar pour poursuivre son périple en Croatie. C’est la traversée au Nord sur Milna pour retrouver les Italiens qui ont accueilli tout le monde à bord la nuit passée. Plus de place à la marina, mais la baie est bien abritée. À 15h00, mouillage par 10 mètres de fond et 50 mètres ( !) de chaîne. « Alizé » est tout seul au mouillage, donc pas de danger….. Dans la soirée, les huit Italiens et italiennes viennent à bord pour prendre l’apéro pour commémorer ces instants passer ensemble. Le vent et la pluie seront présents toute la nuit.

Dimanche 11 août 2002

La chaîne a bien tenu !! Il fait toujours mauvais temps, froid (18°) avec de la pluie. Tout au fond de lui, Jacques se demande pourquoi il est venu en Croatie. Il ressent dans son corps intérieur l’angoisse de tout perdre de son projet. La peur est là, il la perçoit. Vivianne masque ses émotions, fait la forte, mais dans un moment d’intimité, confie combien le manque de vie privée et d’indépendance lui manquent. Dans l’après-midi, le cauchemar continue. Un nouveau coup de vent éclate, mais cette fois depuis le Nord-Ouest. Jacques est à l’intérieur, aux toilettes. Vivianne l’appelle «, ‘ il y a un problème grave dehors ». Dehors, c’est la tempête, d’un coup il pleut des cordes. Le seul bateau présent à part « Alizé » dans la baie est entré en collision avec le catamaran en faisant un trou dans le haut de l’avant de la coque bâbord. À bord, 2 femmes et 2 enfants qui ne connaissent rien à la navigation. Leur chaîne d’ancre est pratiquement emmêlée dans celle du catamaran, impossible de se dégager. Les femmes implorent de ne pas les abandonner, faute de quoi leur bateau s’échouerait probablement dans les rochers tout proches. Les deux bateaux se mettent à couple et Jacques met en marche les moteurs du catamaran pour soulager la tension sur l’ancre. Dans les rafales de 35 à 40 nœuds, sous des trombes d’eau, les femmes, qui n’ont même pas eu le temps de s’habiller (Vivianne est cul nu !!) essayent de maintenir les deux bateaux parallèles. Dur, dur. Tous les essais pour démarrer le moteur du voilier sont vains, l’embrayage est bloqué. Par moments, la chaîne du voilier vient frotter sous la coque du catamaran, pire le cordage d’une grosse bouée traînée par le voilier vient se prendre dans l’hélice bâbord. En pleine tempête, Jacques doit plonger pour la dégager. Le vent et la pluie finissent par s’arrêter et les deux hommes du voilier arrivent en dinghy depuis le port où ils étaient bloqués. Tout fini bien. Ça a duré deux heures. Dans les manœuvres, Létitia et Jacques ont perdu leurs lunettes de vue. Plus tard, au port, un rapport de mer sera établi pour le constat et les assurances. Ces deux familles françaises ont loué ce vieux bateau de location à Split pour une semaine. L’assurance du charter est à Zagreb, laissant peu d’espoir pour une intervention rapide. En discutant sur les circonstances de ces événements, il s’avère que le voilier, distant d’environ 20 mètres, n’avait mis que 15 mètres de chaîne alors qu’ « Alizé » en avait 50 !!! Quelle malchance. Le soir, le catamaran est mouillé à l’entrée du port, une amarre à terre. Les femmes descendent à terre avec l’annexe à la rencontre des italiens. Ça leur fait du bien de se changer les idées. Jacques est las, fatigué. Il joue volontiers le rôle de baby-sitter.

Lundi 12 août 2002

Le temps est toujours instable. Le lendemain, une place d’amarrage est réservée à Split pour entamer les travaux du service après vente de Lagoon. Jacques, le moral dans les talons, n’a pas envie de bouger. Il le fera pourtant à la demande du reste de l’équipage. À 11h30, c’est le départ pour Bol et la seule plage de sable blanc mentionnée en Croatie. Un vent variable de NW force 1 à 3 porte le catamaran. En naviguant, l’équipage observe des phénomènes météorologiques inquiétants. Sous de gros nuages noirs se forment des mini-tornades qui ne sont pas très loin. Faute de soleil, la célèbre plage est toute grise et triste lorsque le bateau passe devant. Finalement, après avoir longé toute la côte Sud et contourné l’extrémité Est de l’île de Brac, « Alizé » mouille pour la seconde fois dans la calanque de Uvala Luka. Le soir, repas au restaurant par un temps couvert et une température qui est descendue à 17°C. dans la nuit, le ciel se dégage, permettant d’observer de nombreuses étoiles filantes.

Mardi 13 août 2002

Pour la 1ère fois depuis l’arrivée en Croatie, le baromètre est à la hausse. C’est le jour du rendez-vous avec les représentants Lagoon à Split, la société Nautika Centar Nava, qui possède leur propre marina dans le port. Une place a été réservée pour effectuer les réparations suivantes ;
& Etanchéité des hublots de survie des deux cabines arrière
& Fonctionnement des plaques de froid du freezer
& Changement du WC tribord qui prend l’eau
& Obtention d’un raccord pour la prise d’eau douce en direct
& Changement des filtres à fuel
& Contrôle des feux de navigation avant
& Réparation du trou dans la coque bâbord avec de la fibre de verre, de la résine et du gel coat
& Ventilateur posé à l’envers dans la cabine arrière tribord
& Changement d’une ampoule dans la cabine bâbord
Le responsable technique Mladen Orosnjak informe qu’ils n’ont pas encore reçu le matériel envoyé par François Picot du SAV Lagoon. En tout cas l’accueil est chaleureux, le secrétariat accepte volontiers de mettre une ligne téléphonique à disposition pour consulter internet. Grâce à l’abonnement internet de VTX et les possibilités de « roaming » (possibilité d’appeler un numéro local pour se connecter à internet) Jacques arrive enfin à mettre à jour les news sur le site. Ce soir, restaurant. Vivianne trouve que les dépenses de la semaine ne sont pas suffisantes !!! Les filles sortent boire un verre dans la vieille ville, alors que Jacques fait le baby-sitter en écoutant avec les écouteurs sa musique préférée (de lui seul) les Pink Floyd. Surpris par les filles lors de leur retour à bord, il paraît qu’il chante comme une vieille casserole.

Mercredi 14 août 2002

Les réparations ont débuté. Fibres et résine pour le trou, changement du WC, des filtres à fuel et vidange des sail-drive. Yanmar est incapable de fournir la pièce de connexion prévue dans le mode d’emploi. En l’état, c’est donc impossible de faire des vidanges complètes. Après une semaine pour le moins chargée, Brigitte quitte le bateau à 11h00 pour rentrer en Suisse. Un nouveau départ chargé d’émotions et de chaudes larmes. Merci de ta compagnie, Brigitte et de ton message dans le livre d’or. Létitia et Vivianne font quelques réflexions à Jacques à propos de Lysiane qui aurait tendance à vouloir se mêler de trop prêt aux affaires des autres. Quelques épisodes bien choisis sont cités en référence. Jacques ne s’en est pas aperçu et n’est pas vraiment de cet avis. Il apprécie son calme et sa présence discrète qui en font l’opposé de Sandra. À midi, tout le monde se rend avec l’annexe dans la vieille ville de Split. De grandes promenades le long des quais, des pelouses avec des fleurs et de grands palmiers (les ananas comme les appelle Babou) et des étroites ruelles entre des maisons d’époque dont beaucoup doivent encore être reconstruites ou rénovées. Comme partout, il y a plein de touristes et des boutiques partout. Pour faire plaisir à Babou, le repas de midi est pris au Mac Donald. La suite sera moins plaisante lorsque devant tout le monde, le petit bout de chou fera une grosse crise dont il a le secret, sous prétexte qu’il a oublié un petit drapeau au MacDo. Que faire dans ces cas ?

Jeudi 15 août 2002

Depuis que le bateau est à Split, il fait beau. Aujourd’hui, c’est l’Assomption, jour férié, tout est fermé. Le matériel envoyé par Lagoon a été reçu hier. La réparation du trou est pratiquement terminée, mais il semble que les joints reçus ne correspondent pas à ceux des hublots et sont inutilisables. C’est la fermeture des vitrages qui pourrait ne pas être étanche. Dans ce cas, il faudrait déposer les hublots et faire les joints à l’atelier. Devant l’ampleur des travaux, le technicien doit en parler à son chef….qui n’est pas là, bien sûr. C’est la déception, le bateau est bloqué, les jours passent. Balades, piscine, jeux, voitures électriques sur les quais, odeurs d’eau usée, rats crevés dans le port, grosse paresse intellectuelle. Tout de même, les Gauthey prépare un petit questionnaire complémentaire aux nombreuses candidates qui ont répondu à l’annonce pour la garde de Benjamin et l’envoie par internet.

Vendredi 16 août 2002

Ce matin, piscine avec Lysiane et Babou. C’est l’occasion d’admirer les entraînements des joueurs de water-polo croates qui sont parmi les meilleurs au monde. Impressionnant. Leurs épaules sont largement aussi grosses que les cuisses de Jacques. Déplacement à la poste pour envoyer les rapports de mer à l’assurance de Gilles Pellerin. En banlieue, l’environnement est particulièrement sale, il y a des déchets partout. Beaucoup de gens dans les rues. Les femmes sont belles, mais leur attitude est en général très réservée, voire franchement indifférente ou même antipathique. Comme prévu, les ennuis commencent vers midi lorsque les responsables de la marina demande à Jacques de libérer la place d’amarrage pour les nombreux bateaux de location qui rentrent dès ce soir. Une longue discussion s’engage sur les travaux restant à faire, la responsabilité de Lagoon, la faute aux jours fériés, en tout cas pas la faute aux Gauthey !! De fait, le catamaran doit revenir dimanche après-midi jusqu’à lundi soir en tout cas. Ce report compromet fortement la visite des îles Kornati vu le nombre de jours restant avant le départ de Létitia. Départ après le repas de midi, plein Sud, au genaker, vent arrière direction l’île de Brac. À 16h30 prise de bouée (tarif 50 kunas) tout au fond de la calanque de Bobovisce, à l’extrémité Ouest de Brac. L’endroit est verdoyant, les rochers à fleur d’eau. Il y a des villas partout et de nombreuses constructions non terminées. C’est vraiment l’explosion du tourisme. Avec l’annexe, Jacques et Babou ont beau chercher, mais ils ne trouvent pas le moindre m2 de plage de sable ici. Des galets ou des cailloux, sales, avec des oursins partout, impossible de se baigner. Finalement c’est sur le bateau qu’on est le mieux. Baignade pour tout le monde, pendant que Jacques nettoye pour la 4ème fois les coques à la brosse. C’est incroyable à quelle vitesse déposent les algues et les traces de fuel flottant à la surface de l’eau.

Samedi 17 août 2002

Grand beau. Gros déjeuner, au bruit des grillons, TV pour Babou. Depuis qu’il dort à nouveau seul, soit depuis le départ de Brigitte, il a recommencé d’appeler chaque nuit maman lorsqu’il se réveille. C’est vrai qu’en se couchant à 23-24h00 et en se levant à 08h30-09h00, on ne peut pas dire que l’équipage soit fatigué !! Hier soir, Vivianne se confiait à Jacques pour lui dire combien elle adorerait passer une semaine dans une jolie villa de vacances. Jacques lui a promis de le faire au Brésil. Le village est un peu triste, comme tous les villages environnants. Au début d’après-midi, « Alizé » mouille au fond de la crique d’Osibova, distante de quelques miles au Sud de Brac. 25 mètres de chaîne par 4 mètres de fond, Lysiane plonge pour aller fixer l’aussière à terre. À peine les manœuvres terminées, Vivianne fait une de ses réflexions délicates dont elle a le secret ; « Super, on est au milieu des touristes, tout le monde nous regarde » C’est ce qu’on appelle être positive. Disons que les esprits ruminent dur dans les têtes depuis les événements du 9 août à Hvar. La fin de journée sera particulièrement animée avec la rencontre de 3 jeunes français véliplanchistes. Véronique, Sylvestre et Sébastien, passionnés de planches à voile, sont venus chercher les airs sur les eaux calmes de la Croatie. Vivianne va les remorquer jusqu’au large puis les invite à bord pour l’apéro. Finalement, après un excellent repas, la soirée se terminera à 01h30. Vivianne revit de voir d’autres gens, elle est déchaînée !!

Dimanche 18 août 2002

À 09h30, toutes voiles dehors, départ pour Split again. Les jeunes sont scotchés devant la TV en regardant le film des « Robinsons suisses ». Dès l’amarrage du catamaran à la marina de Nautica, les techniciens interviennent pour faire les travaux d’étanchéité sur les hublots de survie. Ils posent un 3ème joint sur chaque hublot. Deux heures plus tard, ils ont terminé. Cela aurait franchement pu être fait vendredi passé et cela aurait permis de se rendre aux îles Kornati. Il fait 29°C dans le bateau, c’est la flemme de rien faire. En soirée, nouvelle balade à la vieille ville. Babou se défoule comme un bienheureux sur les voitures électriques pour enfants qui se louent le long des quais. De retour au bateau, l’équipe revit les premiers moments du voyage en visionnant pour la première fois les cassettes des films vidéos à la TV.

Lundi 19 août 2002

Il fait toujours beau. Jacques poste un courrier à M. Savalle, le locataire français du bateau qui a fait le trou dans la coque d’ »Alizé ». Il lui demande de lui rembourser le montant des travaux de réparation qui se montent en tout et pour tout à 100 Euros. Vive la main d’œuvre bon marché !! après le plein de fuel, en ayant bien remercié l’équipe de Nautica pour leur collaboration, « Alizé » quitte Split pour venir mouiller à midi près de Fumija, un îlot au Sud de l’île de Ciovo. À 14h00, nouveau départ pour la crique de Razetinovac, toujours sur l’île de Ciovo, mais sur la côte Nord, près de Trogir. Un bon endroit pour passer la nuit. Baignades, vidéos. C’est vrai que depuis qu’il s’avère possible de brancher la caméra sur l’écran de la TV, toutes les cassettes vidéos du voyage et des dernières années à Bursins en Suisse, sont passées en revue. Ça n’empêche pas Babou de faire ses crises capricieuses et d’en vouloir toujours plus. Vivianne a le blues et ne demande qu’à rentrer. Avec Létitia, elles n’arrêtent pas de critiquer Lysiane, son manque de joie de vivre ou bien le fait qu’elle se mêle des problèmes des autres. Vivianne a récupéré au cybercafé les réponses aux questions complémentaires des candidates à la garde de Babou. Aurore Alder, une jeune fille de 18 ans, du Petit-Lancy à Genève a plu à Vivianne par son enthousiasme et ses réponses directes. Elle lui a donc confirmé son accord pour rejoindre la famille Gauthey aux Canaries. Soirée jass. Vivianne joue avec Létitia. Lysiane et Jacques perdent les deux parties, ce qui ne lui fait pas plaisir.

Mardi 20 août 2002

Jacques se réveille à 02h00 du matin. Impossible de dormir. C’est une remise en question complète qui se bouscule dans son esprit. Les interrogations sur les valeurs du moment présent et de la suite de la vie en famille reviennent sans cesse. Jacques ne supporte plus les critiques de Vivianne, son blues, ses envies d’avoir une maison, de vouloir rentrer, de ses interprétations, de sa manière de vouloir tout commander, de son manque d’affection, de sa vision négative des gens ou des situations. Dans ces moments de déprime, Jacques en a marre des caprices de Babou, de la télévision, de ses plaisirs solitaires. Il a envie de caresses, d’affection, de gens drôles autour de lui, il a envie de naviguer…..Bref, une vision totalement négative qui pourrait bien être la conséquence de ces événements du 9 août aux cours de desquels lui et sa famille ont réellement failli de tout perdre d’un seul coup. Au réveil, à voir la tête que fait Jacques, le message passe un peu. Un début de discussion s’engage. Dans la journée, après avoir rejoint la marina de Trogir, les vidanges des deux moteurs sont faites et le bateau est nettoyé de fond en comble. Le soir l’ambiance est nettement plus positive, même si Babou fait encore une série de caprices. Jacques et Lysiane prennent leur revanche aux cartes et égalisent à deux partout.

Mercredi 21 août 2002

Temps couvert. Létitia a fait ses bagages. C’est les plus belles vacances que Jacques a passé avec sa fille. Un contact permanent, une attitude super positive. Létitia a bien profité de son petit frère et réciproquement. 10h30, départ pour l’aéroport en taxi. Comme prévu, l’avion arrive à 12h05. il faut se quitter. Ces moments sont douloureux, de plus en plus. De grosses, grosses larmes en pensant aux prochaines vacances ensemble au mois d’octobre aux Canaries. « Létitia, tu peux revenir quand tu veux à bord d’Alizé, merci pour tout ». Retour au bateau. 80 kunas (14 Euros) pour quelques minutes de trajet….C’est un peu l’image de ce pays et de certains habitants peu sympathiques. 14h45. Téléphone de Jean-Georges Bordes. C’est son heure d’arrivée à Split pour rejoindre « Alizé » pour la descente sur l’Italie. Jacques est persuadé qu’il appelle depuis l’aéroport. Erreur d’interprétation et stupeur lorsque Jean-Georges annonce qu’il sort de l’hôpital de Bordeaux avec une cheville dans le plâtre et 3 points de suture au menton !! Il s’est fait renverser hier soir par une voiture, se déplace avec des béquilles et ne peut pas conduire. Il a pour plus de trois semaines de convalescence. Il a avec lui tout le matériel qu’il devait apporter à bord, y-compris le nouvel ordinateur portable pour le fonctionnement du Standard C. Pour l’instant, il garde le tout. Vivianne ne croit qu’à moitié son histoire, elle voudrait vérifier. À suivre. Le temps est à l’orage et un nouveau coup de vent avec beaucoup de pluie frappe la région dans l’après-midi. De toute façon, le catamaran quittera demain la Croatie, sûrement avec le vent dans le nez. Après renseignement, il s’avère que Trogir n’est pas un port de sortie du pays, il n’y a donc pas de douane pour annoncer le départ. Tant pis, « Alizé » ne fera pas de déclaration de son départ. On pourra toujours dire avoir été pris dans un coup de vent !!

Jeudi 22 août 2002

Il a plu toute la nuit. Il fait froid, 20°C. les équipages des bateaux qui arrivent à la marina sont tous en cirés. Sans regret, à 10h30, « Alizé » largue les amarres et dégage les pendilles, en faisant bien attention de les laisser couler. Marche avant tribord, neutre bâbord. D’un coup, un choc. La pendille bâbord, accrochée à l’hélice ou au safran, s’est rompu. Malgré tout, le catamaran sort de la marina et va jeter l’ancre quelques centaines de mètres plus loin pour contrôler les coques. Jacques plonge et enlève sans problème le reste de pendille enroulée autour d’une pâle de l’hélice bâbord. Au moment de relever l’ancre, impossible de la remonter. Plusieurs manœuvres du bateau n’y change rien. Finalement, l’ancre remonte à moins d’un mètre sous la surface de l’eau et permet de constater qu’elle est prise dessous un gros câble blindé. 2ème plongeon pour passer un bout autour du câble, le bloquer, redescendre l’ancre, l’écarter pour la relever à la main, libérer le câble et s’en aller !! C’est le délire, la Croatie ne veut pas laisser partir « Alizé ». À 12h00, le catamaran est au pré serré à l’Est de l’île de Vis, pour se dégager enfin de ces îles croates. Dans la nuit, avec la grand voile et au moteur, la famille Gauthey quitte la Croatie en laissant l’île de Susac à bâbord. Dans son journal de bord, Jacques écrit ;
« La Croatie, plus jamais. Quatre coups de vent violents, avec de la pluie, la perte du bateau, le trou dans la coque, le temps maussade et les vents constamment changeants, voilà ce que l’on retiendra en premier. Après seulement, le souvenir de quelques belles criques sauvages sentant bon les pins avec le concert des grillons. Mais tout cela avec un tourisme exacerbé. Des bateaux partout, voiliers ou yachts de location. Une majorité d’Allemands, d’Autrichiens et d’Italiens, des naturistes partout, sur les cailloux, vu l’absence quasi-totale de plages. La Croatie cela restera aussi l’accueil chaleureux des représentants Lagoon à Split, qui ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour nous. Enfin, restent les rencontres spontanées, lors du sauvetage d’ « Alizé » ou au fond d’une crique. Les Croates…bof. Trop tournés vers le tourisme pour ce que nous en avons vu. Les filles, oui elles sont belles, mais pas plus qu’ailleurs. Les villages, oui c’est vrai, ils sont très jolis, mais les nouvelles constructions vont rapidement détruire un ensemble qu’il faudrait rénover. Alors, pour le prix à payer, les distances à parcourir pour venir ici, le jeu n’en vaut pas la chandelle, même si les conditions météo d’août 2002 sont semble-t-il bien particulières. »

Vendredi 23 août 2002

Cette nuit, Lysiane a fait son quart jusqu’à 22h00. Vivianne a suivi jusqu’à minuit et Jacques a fait le reste de la nuit. À 04h00, le vent passe enfin à l’Est, 10 nœuds. Arrêt du moteur. Cela ne dure que jusqu’à 07h30 avec le retour du vent du Sud-Est. À 10h00, un bruit sympathique, la canne à pêche crépite, une touche !!Lysiane remonte la 2ème ligne, c’est dur. Oh oui, une 2ème touche. Quelques instants plus tard, la petite famille se retrouve marchand de poissons avec 2 beaux thons de 5 kilos chacun. Le téléphone portable est une riche invention, les factures sont lourdes, mais les contacts sont si pratiques. Jean-Georges Bordes va envoyer les équipements qu’il devait apporter à Christophe Dummermuth qui les apportera à Palma de Mallorque. Pour remplacer les lunettes que Jacques a perdues dans l’un des coups de vent, les corrections oculaires sont transmises à Létitia, qui ira commander une nouvelle paire chez Visilab à Lausanne. À bord, Lysiane, qui a pris des médicaments contre le mal de mer, supporte plus ou moins bien la haute mer. Avec Babou, cela ne passe toujours pas très bien. Il ne l’accepte que difficilement et développe une agressivité verbale impressionnante, malgré les réprimandes de ses parents. Lysiane fait pourtant beaucoup d’efforts, mais elle n’arrive pas à se mettre au niveau de l’enfant et à se laisser aller. Elle réfléchit trop, comme quand elle joue aux cartes !! à 16h00, c’est l’arrivée à Brindisi sous de gros nuages noirs qui menacent. « Alizé » se retrouve au bout du ponton à la marina au fond de l’immense baie après avoir parcouru 190 miles. Vu les quantités de vivres frais embarqués à bord, Jacques propose au restaurant de la marina d’acheter les poissons, sans succès. Il les ramène à bord et les prépare sous trois formes différentes. D’abord une mousse de poisson faite avec les filets cuits au court-bouillon, passés au mixer avec de la margarine, des aromates, oignons, vinaigre, cornichons, sel, poivre, le tout au réfrigérateur. Ensuite du poisson cru à la Tahitienne, soit des dés découpés dans les filets, cuits 2 à 3 heures dans l’eau de mer et du jus de citron, mélangés avec des tomates, oignons, concombres et du jus de noix de coco, le tout au réfrigérateur. Pour finir, les filets découpés, cuits directement sur le barbecue. Le radar est de nouveau tombé en panne, indiquant que le câblage de l’antenne est défectueux. Au téléphone, Jean-Claude Chardon indique qu’il se peut aussi que ce soit le radôme dans le mât qui ne tourne pas. Il faut vérifier, puis trouver un endroit pour faire marcher la garantie de Furuno. Jacques montera au mât demain. Babou fait tout d’un coup une pointe de fièvre à 39,5°C. Est-ce une infection ou une réaction aux questions qu’il pose à propos de la mort (« dis papa, quand tu seras vieux, tu mourras et fermeras les yeux ? ») ou encore le départ de Létitia qui lui manque beaucoup ? Finalement, ça passe comme c’est venu, comme le mal d’oreille dont Vivianne semble ne plus souffrir. Persévérante, Lysiane a été récompensée aujourd’hui dans ses contacts avec Babou. Ce soir, la famille Gauthey apprend stupéfaite que Ivo Stöckli, le voisin de Bursins s’est fait opérer d’un cancer de la thyroïde. Heureusement, il devrait être remis à 100%. Il n’y a pas que chez les Gauthey qu’il se passe des choses…..

Samedi 24 août 2002

Une nuit bien difficile pour Babou qui se plaint d’avoir mal au ventre. Ce matin il ne veut rien manger. Vivianne découvre des ganglions dans sa gorge. Ses amygdales sont complètement infectées, c’est l’angine. Un téléphone à Antoine Stockhammer, l’ami médecin suisse confirme. Babou est mis sous antibiotique Augmentin. Jacques monte deux fois au mât d’abord pour vérifier la fixation de l’antenne de TV, qui est branlante, ensuite pour contrôler l’état du radôme et vérifier qu’il ne tourne pas. C’est bien le cas. Un nettoyage de la courroie et une giclée de WD40 et voilà que le radar fonctionne à nouveau. Jean-Claude Chardon est informé. Il passera voir le bateau aux Baléares, étant à la même date qu’ « Alizé » à Palma où il participe aux Championnats du monde de pêche au thon avec l’équipe du ….Brésil !!

Dimanche 25 août 2002

Après avoir pris soigneusement note de la météo italienne sur le canal 68 de la VHF avec des prévisions sur 48 heures, c’est le départ à 09h45 pour Syracuse, en Sicile, distant de 290 miles (2 nuits en mer). Un faible vent de NE pousse un peu le bateau au moteur. Babou a passé une mauvaise nuit. Ses ganglions sont tout enflammés, mais au moins il n’a plus de fièvre. Vivianne retéléphone à Antoine, puis à Jean-Louis Dubos, autre ami, médecin à Pau. Pour se rassurer sur les soins à donner. Merci les amis. Jacques téléphone encore à Létitia pour lui communiquer les corrections oculaires pour ses nouvelles lunettes.

Lundi 26 août 2002

Fini l’Adriatique !! Mer d’huile, « Alizé » est toujours au moteur. Les nuits sont difficiles avec Babou qui se réveille souvent. Vivianne dort avec lui. À 03h00, après avoir fait un super massage à Jacques, elle le relaie jusqu’à 06h00 sans qu’on lui ait rien demandé, c’est cool. Mais voilà que c’est à la même heure que Babou se réveille. Pour la 1ère fois, il ne veut pas prendre ses antibiotiques. Vivianne explose, fatiguée. Lysiane brille par son absence. Toute la matinée, il refuse ses médicaments. Chacun essaye de rester calme en expliquant la nécessité des soins faute de quoi il devrait aller à l’hôpital. Finalement, à 10h30, en négociant un biscuit au chocolat contre sa prise d’antibiotique, il avale enfin sa dose. Jamais vu ça, que d’énergie perdue. À midi, il fait 30°C. en pleine mer, c’est l’arrêt du bateau pour que tout le monde puisse se baigner. À 17h00, le ciel menace et un vent de face de 15 à 20 nœuds se lève. La mer n’est pas encore formée, mais ça ne saurait tarder. Quel été !! il paraît que des mini-tornades se sont abattues sur la Côte d’Azur et la région d’Hendaye causant de nombreux dégâts. À 20h00 tout est calmé. La vitesse est réduite à 5 nœuds pour permettre une arrivée de jour à Syracuse. Cette impression de se laisser dériver est assez géniale. Le catamaran a des mouvements tout doux et les moteurs ronronnent. Un petit palace flottant.

Mardi 27 août 2002

Toute la nuit « Alizé » a caressé l’eau de ses coques. Par un matin brumeux, il fait déjà 22°C à 06h30. Syracuse se dessine peu à peu. Quelques dauphins viennent brièvement jouer à la proue. Ce sont les premiers depuis le départ de Catania, il presque un mois. Enfin, à 08h00, le catamaran mouille au Grand port de Syracuse, avec 40 mètres de chaîne, par 8 mètres de fond, l’arrière à quai, donnant sur la vieille ville. Il y a tout au plus une quinzaine de bateaux, dont aucuns ne semblent des locations. Ça sent le vrai ici, rien à voir avec la Croatie. La visite du grand marché quotidien est passionnante. Des fruits, des légumes et des poissons comme rarement vu. 6 Euros pour 3 loups de mer, 6 Euros pour un gros poisson St. Pierre et 6,5 Euros pour 12 belles langoustines et enfin des brocolis, quelle ambiance. De retour au bateau, il faut prendre rendez-vous pour obtenir de l’eau au réseau de la ville. Elle est rare ici et il faut payer 10 Euros pour 200 litres. Tout à proximité, une petite plage permet de se rafraîchir pour le plus grand bonheur de Babou. Celui-ci refuse toujours de prendre ses antibiotiques. Les parents commencent à penser qu’il lance un message chiffré par cette attitude. C’est plus fort que lui. Il refuse, crache, promet d’être gentil, recommence. Impossible d’en avoir raison. Papa et maman jouent au chantage, malgré eux, sachant que ce n’est pas la solution. En réfléchissant, il se pourrait que son angine soit une réaction face au changement de jeune fille ou au visionnement répété des cassettes vidéo des dernières années passées à Bursins. Il répète souvent qu’il voudrait que Sandra revienne ou qu’il voudrait rentrer à Bursins. Babou a quelque chose à dire qu’il n’arrive pas à exprimer, alors il veut rester malade. Tout ça n’est pas si simple. En Sicile, la vie bat son plein la nuit. Vivianne et Jacques vont se promener en amoureux dans la vieille ville. Ah ! Quand pourront-ils aller manger seuls tous les deux !! Il y a des centaines de personnes dans les rues et sur les quais. Le catamaran est un spectacle, tout le monde s’arrête pour faire des commentaires ou l’admirer.

Mercredi 28 août 2002

À part les très belles filles siciliennes qui se pavanent dans les rues, il y a de nombreux personnages pittoresques sur les quais de Syracuse. L’un d’eux a été surnommé « Papa Noël » par Babou. La ressemblance est frappante avec sa grosse barbe. Cet original, âgé de 77 ans, ancien marin ayant bourlingué dans le monde entier, offre ses services et ceux de sa vieille camionnette aux bateaux de passage. Avec Babou sur le pont arrière du véhicule, Jacques et Lysiane se rendent à un supermarché faire des courses et traversent la ville à la recherche d’une laverie, puisque la machine à laver du bord ne fonctionne décidément pas avec le générateur. Un parcours plein de sens interdits pris à contre-sens, des arrêts sauvages en 3ème position, incroyable. Tout ça pour obtenir une proposition de laver le linge pour un montant de 50 Euros !! il ne faut pas exagérer. Retour au bateau. Les 15 Euros donnés à « Papa Noël » font son bonheur. Dans l’après-midi, visite de l’aquarium et de la magnifique vieille ville. Le temps est à l’orage. Babou a fini ses crises. Il est gentil comme tout. Ses amygdales sont bien désenflées et il recommence à manger de bon appétit. Le long des quais, il se régale sur les nombreux manèges, paradis des enfants. Les jours passés, Vivianne avait fortement envie que Claude, son père, les rejoigne encore une fois à bord d’ « Alizé » avant le grand saut de l’Atlantique. L’envie était largement partagée, mais compromise pour des raisons financières bien compréhensibles. Alors Jacques a proposé a Vivianne de payer le billet d’avion à Claude afin qu’il puisse venir une semaine en septembre aux Baléares. Après plusieurs recherches dans les agences de voyage, le projet va pouvoir se réaliser. Claude a trouvé des vols pratiques pour rejoindre la famille le 5 septembre à Minorque et repartir le 12 septembre depuis Mallorque. Tout le monde est content. À part « Alizé », le seul bateau français présent au Grand port est occupé par un homme solitaire à bord. Jacques Ponsard, 59 ans qu’il ne porte pas, ancien électronicien, est invité pour l’apéro. Anciennement à St Laurent du Var, voilà 10 ans qu’il vit sur son voilier de 10 mètres, « Salangane », en Méditerranée, seul ou avec un ami l’accompagnant sur un autre bateau. Il passe les hivers au Sud, en Tunisie ou en Italie au gré de ses envies. Il a plein d’aventures et d’anecdotes à raconter, entre autres sur les avaries subies avec son moteur. Tout le monde se retrouve à une pizzeria dans la soirée. L’appareil de photo numérique des Gauthey fascine le personnel et le patron du restaurant. Alors Jacques les prend en photo et de retour au bateau l’imprime via l’ordinateur portable. Le patron est fou de joie lorsque Jacques lui apporte la photo en fin de soirée. Les deux Jacques s’entendent à merveille et il se pourrait que les deux bateaux se retrouvent aux Baléares.

Jeudi 29 août 2002

Pas de bol, comme on dit. Le vent de Sud établi depuis quelques jours a tourné au Nord-Ouest durant la nuit. Le clapot qui frappe les coques ce matin ne dit rien de bon à Jacques. La météo italienne confirme avec du vent de NW 5-6, à la baisse les jours suivants, mais toujours NW, soit en plein face à la route qui reste à faire direction Marsala, puis la Sardaigne. Quelle guigne !! Ce n’est pas raisonnable de partir aujourd’hui. Peu après 12h00, le vent de NW monte à plus de 25 nœuds. Le fardage du catamaran est tel que l’ancre dérape. À toute vitesse, « Alizé » quitte le mouillage du Grand port pour contourner la baie de Syracuse et trouver refuge à l’Est, dans la marina de St. Julia. Il était temps. Dans la soirée, Jacques Ponsard rejoint la petite équipe à bord. Vivianne régale tout le monde de somptueux spaghettis bien arrosés.

Vendredi 30 août 2002

La météo italienne et Monaco radio sur la BLU confirment les prévisions de vent de NW force 3 à 5. Mais il faut partir quoi qu’il en soit pour avoir une chance d’être au rendez-vous du 5 septembre à Minorque. Avec « Papa Noël » et sa camionnette, des réserves de vivres sont acheminées à bord. À 12h00, c’est le départ, après avoir payé 77 Euros pour une nuit à la marina !! Record battu. Avant de quitter Syracuse, il faut encore revenir dans le Grand port, à l’Ouest de la ville, pour faire le plein à la seule station de fuel existante. C’est l’occasion de dire au revoir et à bientôt à Jacques Ponsard. Vivianne a fait les comptes. Depuis le départ, la famille Gauthey dépense en moyenne 5'000 CHF par mois, dont le tiers pour les frais de ports et de fuel. Deux heures plus tard, « Alizé » est déjà au large du cap Passero, le plus au Sud de Sicile. Le catamaran a bénéficié de vent de NE de 15 à 20 nœuds pour tailler la route. L’île de Malte est juste visible à l’horizon. Passé le cap, ça ne rigole plus. Deux houles s’opposent, amplifiées par les hauts fonds du plateau maritime reliant la Sicile et Malte. À 19h00, le bateau fait l’ascenseur dans une houle de 1,5 à 2 mètres de face. Il faut être fou pour faire des convoyages comme ça, c’est l’enfer. Même Vivianne a le mal de mer et va vomir. Seuls Babou et Jacques sont épargnés. À 23h00, cela va un peu mieux, mais le catamaran n’avance qu’à 4 nœuds en raison du courant contraire qui porte d’Ouest en Est dans le Canal de Sicile.

Samedi 31 août 2002

La nuit a passé lentement, au moteur avec la houle, le courant et le vent contraire. Jacques assure les quarts en somnolant par intervalles de 30 minutes en réglant l’alarme sur le GPS. Le radar reste constamment en fonction avec une zone de garde autour du bateau à une distance de 6 à 4 miles, qui déclenche une alarme dès qu’un navire entre dans la zone de garde. À 06h00, Lysiane termine le quart de nuit. Monaco radio annonce toujours un flux de vent de NW 3 à 4 s’atténuant dans les prochaines 48 heures. Un calcul de consommation de fuel détermine la nécessité de ravitailler aujourd’hui. Il serait possible de le faire avec les jerricans embarqués à bord, mais la houle rend l’opération vraiment trop délicate. Jacques choisit de mettre le cap sur Siacca, distant de 35 miles, arrivée prévue vers 18h00. Mais à 10h30, changement de stratégie. Le catamaran subit un vent de 20 à 23 nœuds dans le nez et avance à 3,8 nœuds. Impossible de continuer comme ça. Jacques vise au plus proche, le village d’Empedocle, distant de 10 miles. Ras le bol, il faut vraiment attendre que la météo change. Enfin à 13h00, « Alizé ’ mouille dans l’avant-port de Porto Empedocle, tout proche de la ville d’Agrimento au milieu de la côte Sud de Sicile. 7 mètres de fond, 55 mètres de chaîne, il y a de la place. À part 3 autres voiliers, le catamaran se trouve dans un environnement industriel primaire avec des blocs d’HLM à proximité. Il y a des déchets partout, il semble que la saleté fasse partie de la vie quotidienne des habitants. Leur accueil est très chaleureux. À l’image de Giuseppe, 62 ans, qui parle parfaitement français suite à un séjour de 10 ans en France. Il aidera Jacques à ravitailler le bateau en fuel demain. Effectivement, il n’y a pas de station prévue pour les voiliers de passage. Il faut aller remplir les jerricans à la station d’essence routière la plus proche, toute une opération. Dans cette attente, la journée s’écoule comme le vent qui continue de souffler du NW, toujours aussi fort. Le passage de ce canal de Sicile est une réelle épreuve à passer.

Prochain chapitre; le mois de septembre 2002

« Alizé » finira par passer ce canal de Sicile en slalomant entre les bateaux de pêche et les vents contraires. Gagnant la Sardaigne, la famille arrivera le 5 septembre à Mahon sur Minorque quelques heures avant l’arrivée de Claude, le papa de Vivianne, en avion. Le séjour aux Baléares sera bien reposant, avec de petites navigations par rapport aux précédentes. Seul Claude n’appréciera pas la haute mer. Avec Vivianne et Babou, il rejoindra Palma en avion. Lysiane et Jacques amèneront le bateau à Mallorque accompagnés de Pierre Aessig, le navigateur rencontré une première fois à Ajaccio. Depuis Palma, c’est les amis suisses qui rejoindront la famille, Christophe Dummermuth d’abord, Andrée et Markus Zurcher, les voisins de Bursins ensuite. Les fêtes, les sorties nocturnes, les 20 ans de Lysiane, Ibiza et Formentera, les plages de sable fin et une soirée au Club Med resteront des excellents souvenirs. Filant d’une traite sur Gibraltar, « Alizé » y arrivera le 26 septembre dans la soirée. Commencera la longue attente d’un nouveau radar, celui du bord ne marchant définitivement pas. Dans le brouillard et le froid, sous la pluie, les jours s’écouleront bien vite en rencontrant de nombreux équipages français, tous en partance pour les Canaries puis les Antilles. Voilà le résumé des prochaines news qui paraîtront le mois prochain.

Amitié à tous, Jacques, Vivianne et Babou.

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